« Nous ne sommes ni une priorité en termes de salaire, ni de budget, et encore moins d’infrastructures. Nous sommes clairement les dindons de la farce » témoigne un bibliothécaire parisien
Les syndicats Supap-FSU, CGT et FO ont appelé à une grève des bibliothécaires municipaux ce jeudi 10 octobre, à la suite d’un communiqué dénonçant de fortes coupes budgétaires de la part de la Ville de Paris. Ils exigent plus de moyens pour leurs établissements, des augmentations de salaire et la création de nouveaux postes. Cette mobilisation survient après des restrictions sur les achats de nouveaux livres et documents, qui sont désormais étalés sur plusieurs mois, voire reportés à 2025, bien que la Ville assure que les acquisitions ne sont pas totalement arrêtées, mais « priorisées ».
Le personnel dénonce un fort gel des commandes, affectant la disponibilité des nouveautés dans leurs rayons depuis juillet dernier. La municipalité assure que le budget des bibliothèques n’est pas réduit, mais qu’il doit simplement être « réajusté » en fonction des priorités budgétaires de 2024 – d’après un récent mail adressé aux syndicats par Olivier Moriette, sous-directeur de l’éducation artistique et des pratiques culturelles à la Ville.
Jean (le prénom a été changé), employé de la médiathèque Hélène-Berr, dans le XIIᵉ arrondissement, déplore « une communication non assumée » de la part de la municipalité : « On a eu des explications très alambiquées et tardives, ce qui amène à une grosse perte de confiance du personnel vis-à-vis de la direction. À ma connaissance, c’est une première dans le milieu. La coupure touche tous les corps de la Ville […]. Mais notre filière à la base est déjà moins bien payée que les autres services culturels de la Ville. Nous avons actuellement les primes les plus faibles ».
Les syndicats réclament une revalorisation de leurs indemnités, de nouveaux postes et une augmentation des effectifs dans les bibliothèques. Ils déplorent également des conditions de travail difficiles. Beaucoup d’entre eux exercent leur métier dans des bâtiments délabrés, avec de nombreuses fuites d’eau, des murs défraîchis et des ascenseurs parfois en panne durant plusieurs mois. Le comble : certains établissements sont parfois privés de dispositif antivol. Pour la Mairie, un renouvellement des systèmes de sécurité coûterait trop cher par rapport aux revenus, alors que d’autres bibliothèques (à Paris et ailleurs), dépourvues de portiques, ne constateraient apparemment pas plus de vols.
Enfin, une directive de suppression des plastiques à usage unique à l’échelle communale devrait également impacter le matériel, puisqu’ils seront désormais interdits dans le cadre de la protection des livres. Argument cocasse, car c’est pourtant le principe même d’une bibliothèque, comme le rappelle Jean : « Un livre qui est emprunté quatre, cinq, six fois n’est pas à usage unique (la plastification servant à le protéger). Ça va donc être un gaspillage d’argent colossal, car nous allons devoir racheter beaucoup plus souvent des exemplaires. Selon la Mairie, le budget qui servait au plastique sera réinjecté dans l’achat de nouveaux livres, mais on sait pertinemment qu’ils cherchent à économiser dans toutes les directions… »
Le Supap-FSU, la CGT et FO dénoncent une hypocrisie totale de la part des élus, entre autres Aurélie Filippetti, directrice des affaires culturelles de la Ville de Paris, qui a réaffirmé que les bibliothèques, la lecture et la lutte contre l’illettrisme étaient la priorité de sa mission. À ce jour, le constat est tout autre, comme nous l’assure Jean : « Nous ne sommes ni une priorité en termes de salaire, ni de budget, et encore moins d’infrastructures. Nous sommes clairement les dindons de la farce » ;
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