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5 décembre 2011 1 05 /12 /décembre /2011 09:39

 

La RFID à Paris, une mauvaise idée ? Retour d'expérience à la médiathèque Marguerite Yourcenar (XVè)

 

En 2008, un système qui utilise des puces émettant des radiofréquences, la RFID, était installé dans trois bibliothèques parisiennes. Un article : « La RFID, une mauvaise idée pour Paris » avait alors mis en garde contre l’installation aveugle de cette technologie, aussi bien en terme de fonctionnalités, d’efficacité budgétaire, des éventuels effets sur la santé ou de son impact en matière d’environnement. Trois ans après, où en est on ? Voici un premier bilan                                               

La RFID s’est imposée cette dernière décennie dans les bibliothèques du monde entier. A de rares exceptions près, toutes les nouvelles constructions de médiathèques se font avec cette technologie, en France (Rennes, Paris, Calais, Lyon, Bordeaux, Strasbourg…) mais aussi à l’étranger (parmi les exemples les plus marquants : Singapour, Lund, Cologne…  

Ce nouveau système d’identification est présenté comme très différent du système à code-barres qui prévaut dans les bibliothèques. Il permet notamment l’automatisation du prêt et du retour, le tri sur des tapis de rangement, des inventaires à la volée, la possibilité de stocker d’autres données dans la puce. 

 

 

                                   DSCF9579

 

 

C’est dans ce contexte technologique enthousiasmant que la Ville de Paris décide de se lancer dans l’aventure avec un trio de bibliothèques en construction. Il s’agit de la bibliothèque spécialisée en cinéma François Truffaut (1er arrondissement), la bibliothèque Chaptal (9ème) et la médiathèque Marguerite Yourcenar (15ème) tête de proue des 60 bibliothèques du réseau qui toutes trois ouvriront leurs portes en 2008.

 

Depuis trois ans, d’autres bibliothèques ont ouvert ou réouvert avec ce nouvel équipement (Rostand, Clignancourt, Melville, Louise Michel et Marguerite Duras en 2010 qui devient à son tour le plus grand établissement de Paris).

Au bout de 3 ans et demi, le temps est venu d’un premier bilan, à l’heure où Paris a décidé de stopper le rééquipement des bibliothèques. Quelles promesses la RFID a-t-elle tenues ? Quels usages en font les lecteurs, les agents ? Quelles perspectives peut-on envisager par la suite ?  

Malgré un contexte propre aux bibliothèques parisiennes (SIGB en fin de vie, grandeur du réseau, manque de concertation en amont et en aval sur le choix de cette technologie), il est possible de dégager quelques grandes lignes générales sur l’usage et le développement de la RFID en bibliothèque.

 

Tour d’abord, la RFID n’a pas répondu aux attentes des professionnels. Les promesses non tenues sont les suivantes :

- L’étiquette RFID couple le code-barres à l’antivol. Malheureusement, nous avons des puces blanches, sans inscription. Nous devons donc quand même coller un code-barres.

Les étiquettes sont plus volumineuses que les antivols magnétiques. Ce sont surtout les documents jeunesse qui en pâtissent.

- Le contrôle de la complétude (vérification qu’un document multiple est bien complet : 1 disque + 1 livret ; un double DVD …) ne fonctionne pas ou si mal qu’il vaut mieux s’en passer pour éviter les erreurs de transaction.

- L’intégration au SIGB est nulle : la RFID n’étant pas du tout supportée par Vsmart, nous sommes obligés d’utiliser d’autres logiciels, de piètre qualité, qui sont totalement déconnectés du SIGB. Ce bricolage est source d’erreurs et empêche toute évolution vers une utilisation avancée de la RFID.

- L’inventaire à la volée, sans toucher les documents, est inefficace. Il n’est d’ailleurs plus question d’en faire.

- Les étagères intelligentes, capables de détecter les livres (mais pas de les ranger !) présents, ne sont même plus évoquées, tant leur prix est élevé et leur intérêt faible.

 

 

                                       rfid-tag

 

 

D’autre part, l’automatisation des transactions, si souvent avancée comme argument massue pour imposer la RFID, n’est pas une raison suffisante, notamment parce que la réalité du système impose des contraintes supplémentaires auxquelles la RFID ne répond pas.  

- Le passage au prêt automatisé exige une simplification de l’équipement pour fluidifier les transactions surtout lorsqu’elles sont, comme à Yourcenar, très importantes (plus de 850 000 prêts / retours prévus pour 2011). En effet, le multi équipement (plusieurs puces par document) est difficilement reconnu par les automates.

Enfin, il est nécessaire de prévoir un ou plusieurs agents chargés de montrer le fonctionnement des machines, de gérer les conflits, les problèmes (amendes, documents non empruntables etc.).

Il existe par ailleurs des automates de prêt qui utilisent la reconnaissance optique et la démagnétisation. 

 

En outre, il n’est pas évident que la RFID soit un modèle de vertu économique en cette période de crise  car sa mise en place implique de nombreux investissements :  

- Le coût financier de l’équipement d’abord, est colossal : il ne suffit plus d’acheter des consommables, un portique et un magnétiseur, il faut également installer un logiciel, acheter des platines et souscrire à un contrat de maintenance pour le tout…

- Ensuite, si l’on prend la chaîne du livre depuis son acquisition jusqu’au désherbage on se rend compte que la RFID ne fait qu’ajouter une ou plusieurs opérations là où elle nous est présentée comme la possibilité de dégager du temps pour renseigner les lecteurs.

- Contrairement aux code-barre qui sont quasiment inusables, les puces sont très fragiles : au moindre pli, le signal est rompu. Les puces pour CD et DVD ont durée de vie très faible, de l’ordre de 3 à 5 ans maximum.

- Enfin, le recyclage de ces éléments métallique et toxique (présence d’un circuit intégré) n’a jamais été pensé mais il est évident qu’une puce est beaucoup plus nocive qu’un simple autocollant imprimé.

 

La RFID a suscité de grands espoirs parmi les membres de la profession. Les tutelles, séduites par le discours rassurant et résolument moderne des vendeurs de puces, ont succombé à ces charmes, pensant ainsi être à la pointe de la bibliothéconomie. Dans la réalité, il est à regretter principalement deux choses :  

- Que la RFID ait essentiellement été un argument pour réduire le nombre d’agents titulaires dans les bibliothèques en introduisant l’automatisation des prêts ; et en oubliant totalement l’aspect relationnel de notre métier

- Que l’investissement dans cette technologie inaboutie ait réduit l’intérêt des professionnels pour ce qui aurait dû véritablement être au cœur de nos préoccupations : l’amélioration du SIGB et des portail documentaires.

 

 

 

                                     DSCF9553

                                                          Un automate de prêt

 

 

 

Sur le même sujet:

La RFID dans les bibliothèques : Une technologie qui pose des questions d'ordre sanitaire, éthique et écologique.

La RFID, une mauvaise idée à la Ville de Paris

Lire également: Un article sur la RFID par le site "ActuaLitté"

 

Dernière minute: Ironie du sort, l'inventeur de la RFID vient de décéder. Lire sur

 

 

 

 

 

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commentaires

Y
Bonjour, venant juste de lire dans "Actualitté" que vous souhaitez publier dans le BBF votre contribution sur la RFID, je voulais juste vous indiquer que je l'attends de pied ferme !<br /> Contactez-moi...<br /> <br /> --<br /> Y. DESRICHARD<br /> Rédacteur en chef du Bulletin des bibliothèques de France<br /> Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (enssib)<br /> 17-21, Boulevard du 11 novembre 1918 69623 Villeurbanne Cedex France<br /> Tel.04.72.44.43.00<br /> Fax 04.72.44.43.44<br /> L'enssib en ligne : http://www.enssib.fr<br /> Le BBF en ligne : http://bbf.enssib.fr<br /> <br /> "Quisquis ubique habitat, Maxime, nusquam habitat" (Martial, Epigrammes)
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