ActuaLitté : Le 14 janvier 2014
Certes, la pétition lancée pour ouvrir le dimanche et le soir part d'une bonne intention. Mais bon, l'enfer en est pavé...
Ah, les pétitions sur Internet... Qu'elles soient envoyées par votre patron ou votre grande-grande-tante, l'effet est le même : on découvre un titre, un résumé de la situation, et on signe - ou pas - sans vraiment avoir saisi les enjeux...comme celle sur l’ouverture des bibliothèques, le soir et le dimanche...
Parmi les personnels des bibliothèques, la pétition a « beaucoup énervé ». Et pour cause : certes, la pétition lancée par Bibliothèques sans frontières part d'une bonne intention, en réclamant d'Ouvrir + les bibliothèques. Mais bon, l'enfer en est pavé...
En effet, les personnels des bibliothèques, et pour le coup, pas seulement à Paris, font face depuis quelques années à une désaffection des pouvoirs publics, qui réduisent dès que cela est possible, et particulièrement en période de crise, les budgets relatifs aux établissements de prêt. Alors, proposer d'ajuster, voire d'élargir les horaires, c'est un peu fort de café...
La moutarde est encore plus montée au nez des personnels lorsque l'équipe d'Anne Hidalgo, candidate à la Mairie de Paris, et particulièrement Bruno Julliard, porte-parole de la candidate, également adjoint du Maire de Paris chargé de la Culture, a accueilli à bras ouverts la proposition : « Paris doit rattraper son retard en matière de bibliothèques et s'adapter aux attentes et au rythme des habitants », explique-t-il à l'AFP. Qui a parlé d'élections ?
Qui a parlé d'élections ? Ah c'est pas moi, c'est l'autre !
Ne pas faire ce que j'ai dit qu'on ferait, pas ce que je fais actuellement Avec cette pétition, et celle créée par les personnels des bibliothèques pour y répondre, c'est un peu le marronnier des fonctionnaires fainéants qui revient sur le tapis : si les personnels critiquent la pétition pour l'élargissement des horaires, c'est parce qu'ils tiennent à quitter le travail à 17 heures, c'est bien connu. Et quand Bruno Julliard note « la difficulté des négociations avec les personnels », c'est parce que ces derniers sont de mauvaise volonté, forcément.
Contrairement à ce que pourrait laisser entendre un examen rapide, les fonctionnaires n'ont pas cherché à réduire à tout prix leurs horaires : au contraire, leurs revendications comprennent déjà l'élargissement des horaires, ou en tout cas le rétablissement des horaires habituels.
Ainsi, plusieurs établissements ont vu leurs plages horaires réduites, ces dernières années : La bibliothèque Clignancourt, désormais Robert Sabatier, dans le 18e , qui ferme deux matinées supplémentaires, ou encore la bibliothèque Edmond Rostand, dans le 17e, avec une nocturne en moins. D'autres établissements (comme Europe, dans le 8e) ont également vu leurs horaires à la baisse, ou aménagés selon des critères à l'opposée de la pétition « Ouvrons + ». La bibliothèque Marguerite Duras (20e) a ainsi perdu sa nocturne du dimanche pour gagner une matinée d'ouverture supplémentaire.
On remarquera que les réductions d'horaires touchent des établissements situés dans des arrondissements défavorisés, où la promotion de la lecture devrait être de mise... Les élus auront beau jeu de souligner que la fréquentation diminue, pour justifier ces aménagements à la baisse.
La politique parisienne de gestion des bibliothèques a de plus en plus tendance, depuis plusieurs mois, à se concentrer sur les grands établissements, comme la Canopée qui devrait ouvrir en 2015, au détriment de ceux de proximité, jugés peu fréquentés, voire peu fréquentables. Par ailleurs, une source nous confirme que plusieurs chefs d'établissements se sont vu demander « de rendre des postes », jusqu'à quatre par établissement.
- Mais monsieur l'adjoint à la culture, c'est tout ce qu'il nous reste
- M'en fous, allez me les chercher !
Budgets bernés et en berne Par ailleurs, la politique culturelle de la Ville de Paris souffre d'un autre point faible, rarement évoqué, car habilement dissimulé dans les rapports et autres bilans financiers annuels. Les budgets des établissements se distinguent en différentes catégories : les budgets d'investissement, qui sont utilisés pour la construction d'un nouvel équipement; les budgets de fonctionnement, qui comprennent notamment les salaires du personnel, et les budgets d'acquisition, réservés à l'achat de documents.
Le truc, c'est de transférer les acquisitions des nouveaux établissements sur les fonds de fonctionnement des autres bibliothèques. Cela permet d'éviter d'alourdir des budgets d'acquisition qu'il faudrait ensuite reconduire d'année en année. Il est plus facile de négocier avec un budget de fonctionnement, ou encore plus, d'investissement, puisque celui-ci est censé être ponctuel...
Depuis deux ans, estiment les personnels, les budgets d'acquisition sont ainsi en baisse, même si une étude du MOTif publiée en 2011 montre que les chiffres sont en hausse. Seulement, si l'on prend en compte les différentes ouvertures de nouveaux établissements, et, à la proportionnelle, le différentiel s'avère alors négatif. Le même calcul doit être appliqué aux effectifs globaux, qui augmentent, certes, quand un grand établissement ouvre ses portes, au détriment de ceux de proximité qui perdent des postes. Encore une fois, le différentiel devient soudain négatif...
- Bruno, c'est plus du calcul, c'est de l'art ...
Par ailleurs, les budgets d'acquisition auraient une singulière tendance à se confondre avec les budgets de fonctionnement, prompts à être réduits... à la faveur d'une crise économique. En examinant les budgets primitifs entre les années 2010 et 2014 (ceux des années précédentes ne sont pas disponibles en détail), ce dernier ayant été voté très récemment, on se rend bien compte que les budgets d'acquisition ont baissé (voir le détail de ces budgets sur ActuaLitté)
Enfin, l'étude du MOTif elle-même souligne que l'« offre parisienne demeure toutefois inférieure à la moyenne nationale (6,12 m2) ou à celle des villes de plus de 300 000 habitants (4,47 m2) ». Autant dire que la politique des bibliothèques parisiennes devrait se remettre à l'heure pour proposer des horaires élargis...
Bien entendu, on ne fera pas l'affront de rappeler que l'idée d'élargir les horaires des bibliothèques parisiennes, avant d'être accueillie comme l'invention de l'électricité par Bruno Julliard, a été avancée par NKM (le « M », c'est pour « métro ») dans ses propres propositions de campagne...
Lire l’article de « ActuaLitté »
Les bibliothèques sortent les pieds devants: Oeuvre 2014
- Anne, je viens de trouver ça dans le métro, ce lieu plein de charme
- Tu vois Bruno, je t'avais bien dis de prendre un pass Navigo !
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