Elle aussi, l’appel pour ouvrir les bibliothèques le dimanche et le soir l’a beaucoup énervée
Ca faisait longtemps que je n'avais pas pété les plombs en direct, non ? En tous les cas, c'est sûr, c'est la première fois de l'année ... Et quel sujet a donc réussi à me faire sortir de mes gonds aujourd'hui ...? ... je vous le donne Emile ... l’appel de bibliothèques sans Frontières pour ouvrir les bibliothèques le soir ou le dimanche. Voui, je vous le dis tout net, moi, je suis contre !
Rien d'étonnant, me direz-vous, je suis une affreuse fonctionnaire privilégiée, qui n'a pas envie de travailler plus pour gagner pareil.
Je vais vous faire une confidence : une bibliothécaire, ça ne porte pas forcément des lunettes, une jupe plissée et un cardigan gris, mais ça ne porte pas non plus une robe de bure et une tonsure avec chapelet assorti, en d'autres termes, bibliothécaire, c'est un métier, pas un sacerdoce, un métier que j'adore, mais qui reste un métier, auquel je n'entends pas sacrifier ma famille ...
Parce qu'ouvrir les bibliothèques le soir et le week-end (vous noterez l'utilisation judicieuse du terme week-end, tellement plus fédérateur que le mot dimanche, qui aurait dû être utilisé ici, puisque l'immense majorité des bibliothèques est déjà ouverte le samedi ... et puis quand on met travail ou ouverture et dimanche dans la même phrase, on pense forcément aux magasins de bricolage, en ce moment), forcément, ça veut dire faire travailler les gens qui sont dedans le soir et le week-end ...
Bibliothèques: Comment faire pour ouvrir le dimanche et le soir ?
- Just do it !
Et que quand on a une famille, finir trois ou quatre soirs par semaine à 19h (et donc regagner ses pénates à 20h bien sonnées) et travailler le samedi jusqu'à 18h (je sais que ce n'est pas le cas partout, mais à Lyon, les bibliothèques sont ouvertes jusqu'à 19h les soirs de semaine et jusqu'à 18h le samedi), cela signifie n'avoir plus que le dimanche à passer avec ses proches (une toute petite journée ensemble, sans réveil strident, sans course contre la montre pour que tout le monde soit prêt à temps, sans cris et énervements parce qu'on va encore être en retard, une journée tous ensemble, libre de toute contrainte extérieure ...) ... et que travailler le dimanche, ce sera la fin de cette journée hebdomadaire en famille ...
Alors, bien sûr, j'entends déjà les voix s'élever pour dire que les étudiants se bousculeront au portillon pour venir bosser le dimanche et les soirs de semaine dans les bibliothèques ... euh, mais l'argumentaires des pro-ouvertures c'est de dire que les étudiants n'ont pas accès aux bibliothèques les jours de semaine en journée parce qu'ils ont cours ou travaillent ...
Et puis, quelles communes auront les moyens de recruter du personnel statutaire et qualifié pour faire ces heures en plus ? Qui (parmi le personnel) aura vraiment le choix de dire s'il est volontaire ou non pour travailler les dimanches et soirées ? Est-ce qu'on ouvrira les bibliothèques avec simplement des automates de prêt et retour (ah, les automates, le bonheur en barre pour tout chef du personnel qui se respecte ...) et des vigies pour surveiller les entrées et sorties ?
Donc, je résume : les bibliothèques en France ne sont pas assez ouvertes ... je suis plutôt d'accord, mais avant d'ouvrir en nocturne et les dimanches, on pourrait peut-être commencer par ouvrir un peu plus tôt le matin (par exemple, je ne connais aucune bibliothèque qui ouvre ses portes avant 10h ... mais cela ne veut pas dire que le personnel ne commence pas avant, simplement, il y a beaucoup de taches à effectuer avant l'accueil du public, et il y a aussi les accueils de public spécifique, notamment scolaires, qui se font en dehors des horaires d'ouverture au public) ... et réfléchir aux journées continues, mais cela signifie bien sûr embaucher du monde, étant donné qu'en France, il y a des lois accordant aux salariés le droit de manger en milieu de journée..
Ils soutiennent l'appel "ouvrons mieux, avant d'ouvrir plus"
- N'écoutez pas ces intellectuels germaprotins, madame !
Mais d'un autre côté, la tendance n'est pas vraiment à l'embauche de personnel supplémentaire et à l'attribution de nouveaux crédits (une des bibliothécaires de la médiathèque que je fréquente avec les enfants me confiait il y a deux jours que le Conseil Général se désengageait totalement de la bibliothèque cette année, aucune subvention attribuée, et qu'il ne leur resterait que le seul budget municipal pour les achats de l'année ...), donc on fait quoi ?
En fait, pour conclure, je dirais simplement que je suis contre le travail le dimanche, qu'il s'agisse des bibliothèques, des magasins de bricolages ou des supermarchés ... parce qu'ouvrir des magasins et des services le dimanche, c'est forcément faire travailler des gens, et pas que des volontaires, n'en déplaise à ceux qui vivent au pays des Bisounours, et c'est taillader un peu plus dans les liens familiaux et sociaux (déjà mal en point) en désarticulant l'emploi du temps des familles, en ne laissant plus de temps libre et en commun aux gens pour faire autre chose que consommer, encore et toujours consommer ... que ce soit des biens, des services ou de la culture, cela reste de la consommation, en fast-food, en libre-service, à toute heure du jour et de la nuit, partout ... et ça me rend dingue !
Merci à Laetitia qui m'a transmis les coordonnées d'un article de Livres-Hebdo qui relaie l'initiative d'un groupement de bibliothécaires et d'usagers réunis sous le nom de Socialnecmergitur, et qui a lancé sa propre pétition en réaction à celle dont je vous parlais : Ouvrir mieux les Bibliothèques avant de les ouvrir plus !
Et cette fois-ci, je vous invite à signer et à faire circuler !
Lire ce billet publié sur « Lud in The Mist »
La pétition de Bibliothèques Sans Frontières a énérvé
- Et pas qu'un peu !
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