Le Monde : Le 17 décembre 2013
La CGT avait fait de leur cas une bataille emblématique de la défense des libertés syndicales et d'expression
Le tribunal correctionnel de Roanne (Loire) a relaxé mardi 17 décembre les cinq militants de la CGT qui étaient poursuivis pour avoir refusé un prélèvement ADN, estimant que ce prélèvement n'avait en réalité pas lieu d'être. A l'audience le 5 novembre, le parquet avait requis un mois de prison avec sursis à l'encontre des cinq prévenus, quatre hommes et une femme, fonctionnaires de la défense et agents hospitaliers.
En novembre 2012, ils avaient été reconnus coupables par la cour d'appel de Lyon de « dégradations en réunion », mais dispensés de peine, pour avoir inscrit des tags sur un mur en marge d'une manifestation contre la réforme des retraites en 2010.
Ils avaient notamment écrit « casse-toi pov'con », deux ans après que Nicolas Sarkozy, alors président de la République, eut lancé cette même invective à un visiteur du Salon de l'agriculture qui refusait de lui serrer la main. Ils avaient cependant été convoqués par la police et la gendarmerie pour être inscrits au fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg), ce qu'ils ont refusé en mai, récoltant ainsi un nouveau procès.
Les syndicalistes avaient écrit sur un mur « casse-toi pov'con »
- Comment ça casse-toi ? Viens ici l'écrire !
Le tribunal de Roanne a estimé qu'un prélèvement ADN ne pouvait concerner que des personnes condamnées, alors que les cinq prévenus avaient été dispensés de peine. Le parquet général n'aurait donc pas dû requérir ce prélèvement et la justice ne pouvait donc pas leur reprocher de l'avoir refusé, selon le jugement. Le tribunal a également considéré que les gardes à vue du mois de mai étaient irrégulières. Les cinq syndicalistes encouraient un an de prison et 15 000 euros d'amende.
Le secrétaire général de l'union locale CGT du Roannais, Serge Lenoir, s'est félicité de ce jugement marquant, selon lui, « la victoire du raisonnable contre l'absurdité ». « La lutte menée par nos cinq camarades est aussi celle de tous les militants traînés devant les tribunaux », a-t-il réagi, alors que plus de 300 personnes, selon la police, s'étaient rassemblées dans le calme devant le palais de justice de Roanne au moment du délibéré pour soutenir les prévenus.
La CGT avait fait de leur cas une bataille emblématique de la défense des libertés syndicales et d'expression, qu'elle juge menacées par la « pénalisation » des mouvements sociaux. Le jour du procès, plusieurs milliers de militants CGT étaient venus de toute la France à Roanne pour les soutenir et réclamer une loi d'amnistie sociale.
Contrôle ADN: La CGT est venue soutenir ses militants
- Bon Bernard, quand t'auras fini j'aurais besoin de ton verre pour faire un prélèvement !
Lors de ce rassemblement, le secrétaire général de la CGT, Thierry Le Paon, avait dénoncé « l'acharnement judiciaire » contre les cinq syndicalistes et reproché au gouvernement d'avoir « refusé le vote d'une loi d'amnistie sociale », un « signe désastreux envoyé au monde du travail par la nouvelle majorité ».
Cette proposition de loi déposée par le Front de gauche a été adoptée par le Sénat en février, avant d'être enterrée via son renvoi en commission à l'Assemblée nationale en mai. La CGT continue de l'exiger, ainsi qu'une loi qui instituerait « des droits nouveaux protégeant les militants syndicaux et progressistes qui agissent dans le cadre d'une action collective ».
Plusieurs militants syndicaux ont déjà été condamnés pour avoir refusé des prélèvements ADN. C'est le cas notamment du délégué CGT du fabricant de pneumatiques Continental Xavier Mathieu, qui s'était vu infliger en appel, en février 2012, une amende de 1 200 euros. Peine confirmée par la Cour de cassation en mars.
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