L'intersyndicale des agents des bibliothèques appelle à un rassemblement, le 20 mai, place de la mairie à Rennes, pour protester contre la suppression de jours de congés et des repos compensateurs.
A Rennes, les employés des bibliothèques sont en colère. À l’appel de l’intersyndicale CGT-UGICT-FO-Sud-Unsa, une cinquantaine d'agents territoriaux de Rennes ont fait grève samedi 15 mai. Ils se mobilisent contre la suppression de trois jours et demie de congés par an et des bonifications horaires pour les travailleurs du week-end.
Jusqu'à présent, les heures travaillées le week-end donnaient le droit à des heures de récupération. Dès lors, les agents ont le choix entre la rémunération ou la prise de repos compensateur pour ces heures. Désormais, la collectivité territoriale ne laissera plus le choix aux agents. Les heures seront payées. En effet, la nouvelle mesure imposée par la loi de transformation de la fonction publique, contraint les collectivités de supprimer les jours de congés octroyés au-delà des cinq semaines dont bénéficient tous les salariés, à compter du 1er janvier 2022.
D'ici les prochains mois, les nouvelles mesures vont modifier le quotidien des agents territoriaux. « 86% des agents choisissent le repos compensateur, même les agents à très bas salaire. Ils ont besoin d'argent, mais ils ont aussi besoin de repos, de temps pour eux. Ce projet va générer énormément d'usure au travail » explique le secrétaire syndical FO Jérôme Jourdan à France 3 Bretagne.
La bibliothèque des Champs libres n’a pas ouvert, ce samedi 15 mai, à Rennes. Les agents se mobilisent contre la suppression de 3,5 jours de congés par an et la fin annoncée des primes pour travail le week-end
Elle n’avait plus fermé ses portes depuis la fin du premier confinement. Une fois n’est pas coutume, la bibliothèque des Champs libres n’a pas ouvert, ce samedi 15 mai, à Rennes, en raison d’un mouvement social.
À l’appel de l’intersyndicale CGT-UGICT.CGT-FO-Sud-UNSA, une cinquantaine d’agents territoriaux de Rennes (Ville, métropole et centre communal d’action sociale) se mobilisent contre la suppression annoncée de trois jours et demie de congés par an et la suppression des bonifications horaires pour les travailleurs du week-end. Un nouveau système dans lequel « les bibliothécaires seraient les grands perdants », selon Eric de Rovenet, délégué syndical CGT.
La municipalité se retranche derrière la loi de transformation de la fonction publique. Cette dernière impose en effet aux collectivités de supprimer les jours de congés octroyés au-delà des cinq semaines dont bénéficient tous les salariés, à compter du 1er janvier 2022. « La collectivité profite du passage de la loi pour revoir toute l’organisation du travail, précise le syndicaliste Eric de Rovenet. Ce sera aussi la fin de la prime pour ceux qui travaillent le samedi et le dimanche ».
Ce qui équivaut, pour les agents des Champs libres, à la perte de dix jours de congés par an. Le mouvement de grève est « très majoritairement » suivi parmi les soixante-quinze agents de la bibliothèque métropolitaine. Il devrait se poursuivre « chaque week-end jusqu’à l’abandon de cette réforme ». « En allant au-delà de la simple obligation légale de respect du temps de travail, l’ambition de Rennes est d’améliorer le service rendu aux usagers tout en faisant progresser l’équité de traitement entre les agents et la qualité des conditions de travail », justifie la Ville dans un communiqué.
« Harmoniser, nous ne sommes pas contre : deux-tiers des agents qui travaillent le dimanche ne touchent pas de prime », rétorque Eric de Rovenet, qui regrette surtout que les collectivités fassent « le choix d’un nivellement par le bas ». « Ce régime dérogatoire a été mis en place pour compenser les bas salaires des fonctionnaires », rappelle par ailleurs le syndicaliste. « Mais la Ville de Rennes sait qu’elle est attractive, donc elle se permet de payer a minima ses agents, pourtant en première ligne sur le front de la crise sanitaire ».
Des agents de la médiathèque de Mérignac (Nouvelle-Aquitaine) ont déposé un préavis de grève, pour ce mercredi 12 mai 2021, pour protester contre la mise en place du travail dominical et celle des 1607 heures dans la fonction publique territoriale
Le syndicat CGT des personnels de la ville de Mérignac annonce le dépôt d'un préavis de grève local, qui vient s'ajouter au préavis national de l'organisation. Pour le préavis local, l'ouverture de la médiathèque de Mérignac le dimanche est contestée par les agents. D'après le syndicat CGT, le travail dominical a pour finalité « d’accélérer la déréglementation du temps de travail en ne prenant pas en compte l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle ». Aussi, « [l]e repos dominical est et doit rester un repère collectif dans la société. Il permet de structurer une société socialement, économiquement et écologiquement ».
Contactée par ActuaLitté, la mairie de Mérignac nous indique que la démarche précédant l'ouverture dominicale vient de démarrer, et s'étendra jusqu'à l'automne. « À ce jour, les conditions de réalisation de ce projet sont en pleine construction et donc ne sont pas définies, ni arrêtées », nous précise-t-on. « Accompagnée par un cabinet spécialisé en lecture publique, cette démarche a pour but de réfléchir à un scénario d'évolution des horaires d'ouverture de nos équipements de lecture publique, dont l'ouverture dominicale, et d'évolution plus large de l'offre de services pour une mise en œuvre souhaitée début 2022 », assure la mairie.
Une consultation en ligne a été ouverte, adressée aux usagers et non usagers des médiathèques, ludothèques et espaces publics numériques de Mérignac, et l'administration souligne que « [l]es agents des médiathèques seront associés via différents groupes de travail pour contribuer aux réflexions et scénarii à envisager, tout en partageant leurs attentes et alertes ». La mobilisation des agents porte aussi sur l'application de l'article 47 de la loi du 6 août 2019, qui vise à harmoniser la durée de travail dans la fonction publique territoriale. Le syndicat CGT compare le passage aux 1607 heures annuelles à un « vol de congés », « une mesure comptable pour faire des économies sur le dos des agents, des services publics et par voie de conséquences des usagers ».
Depuis mercredi 24 mars 2021, des dizaines de bibliothèques à Paris ont fermé leurs portes à la suite du droit de retrait exercé par leurs agents
Depuis mercredi 24 mars 2021, la liste des bibliothèques fermées à Paris à la suite des droits de retrait exercés par leurs agents s’allonge. Ces derniers réclament un protocole renforcé pour lutter contre le Covid-19 dans leurs établissements. Lundi 29 mars, plus d’une vingtaine d’établissements sont concernés.
« C’est par esprit civique qu’on se manifeste », explique à actu Paris Mounir Rebaï, agent au sein de la bibliothèque Oscar Wilde (XXème), syndiqué chez SUD. Ce dernier énumère les problèmes que rencontrent les agents quotidiennement : « La ventilation qui ne fonctionne pas dans toutes les pièces, les jauges difficiles à faire respecter, les livres qu'on manipule après qu'ils aient passé des journées entières chez les usagers et qui nous exposent à leurs microbes, les transports que nous devons emprunter et qui sont bondés... »
« Les collègues sont stressés. On ne comprend pas pourquoi le protocole mis en place lors du deuxième confinement à l’automne dernier n’est pas instauré actuellement », s’interroge-t-il. D’après lui, « les bibliothèques ne pourront rouvrir que si on nous accorde deux jours d’autorisation spéciale d’absence (ASA) comme ça été le cas en novembre dernier, au lieu de deux demi-journées comme proposées par la Ville de Paris ».
Depuis plusieurs mois les agents alertent la mairie de Paris sur leurs conditions de travail qui ne leurs permettent pas de respecter les mesures sanitaires. En janvier dernier, une lettre ouverte avait été envoyée à Carine Rolland, en charge des affaires culturelles. Les agents exigent aujourd’hui « une rotation des équipes sur la semaine » pour réduire le nombre de salariés présents en même temps dans les locaux comme le relate le syndicat des personnels administratifs, de la culture et de service (PACS). Et pour se faire entendre, une vingtaine d’établissements sont fermés jusqu’à nouvel ordre.
De nombreux bibliothécaires exercent leur droit de retrait, après une alerte du CHSCT pour dénoncer les conditions de travail en pleine crise sanitaire.
Sur la soixantaine de bibliothèques de Paris, vingt cint sont fermées ce samedi 27 mars. Depuis trois jours, de nombreux bibliothécaires exercent leur droit de retrait pour protester contre des conditions de travail qu'ils jugent inadaptées au rebond épidémique que connait la capitale.
Pour Guillaume Floris, représentant CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) à la direction des affaires culturelles de la Ville de Paris, rien n'a changé depuis l'annonce gouvernementale d'un reconfinement à Paris, le 18 mars dernier. Alors que le gouvernement a renforcé les mesures sanitaires dans la capitale, les bibliothécaires estiment qu'on ne leur permet pas de les respecter. Les personnels réclament des modifications de l'organisation de travail pour limiter le nombre d'agents présents en même temps dans les établissements. « En novembre, nous avions deux journées d'autorisation spéciale d'absence », explique le bibliothécaire, qui estime également que « certains postes peuvent être effectués en télétravail ».
« On nous a même demandé de reprendre certains services dans les bibliothèques », poursuit Guillaume Floris. « On nous dit que la situation s'aggrave de jour en jour et on nous demande d'ouvrir un peu plus nos établissements », s'étonne-t-il. Les élus soulignent aussi des systèmes de ventilation défectueux dans certains établissements, « propices à l'aérosolisation du virus dans des lieux qui accueillent des centaines de personnes ». « Nous sommes attachés à notre mission. Nous exerçons notre droit de retrait pour nous protéger et protéger les usagers » conclut le syndicaliste, qui évoque également une logique de conscience civique, pour enrayer l'explosion de la troisième vague du coronavirus.
De son côté, la mairie de Paris assure qu'elle « prend en compte les inquiétudes fortes des agents » et met en oeuvre « des dispositions d'aménagement des horaires et jours de travail pour que les bibliothèques puissent ouvrir », comme la mise en place d'une journée d'autorisation spéciale d'absence.
Vingt quatre même pour être précis. La Mairie de Paris, qui n'a visiblement pas vu venir le coup, organise une réunion de crise
En début de semaine, ils étaient une cinquantaine sur les soixante établissements de la Ville à lancer un « cri d’alerte ». Les directrices et directeurs de bibliothèques, peu coutumiers de ces méthodes, expédiaient à la Direction des Affaires culturelles un courrier commun. Étrangement, quelques jours plus tard, certains lieux de prêt ferment, toujours sur les mêmes bases. « Les injonctions paradoxales qui touchent la société, les bibliothèques n’en sont pas exemptes », nous assurait-on…
La liste s’est allongée et compte maintenant vingt-quatre établissements aux portes closes : Delbo (IIIe), Heure Joyeuse (Ve), Buffon (Ve), Rilke (Ve), Arkoun (Ve), Malraux (VIe) Drouot (IXe), Walser Gaillard (IXe), Françoise Sagan (Xe), Parmentier (XIe), Faidherbe (XIe), Hélène Berr (XIIe), Melville (XIIIIe), Glacière (XIIIe), Genevoix (XVIIIe), Rostand (XVIIe), Romilly (XVIIIIe), Vaclav Havel (XVIIIe), Goutte d'Or (XVIIIe), Levy Strauss (XIXe), Hergé (XIXe), Rabier (XIXe) ou encore Oscar Wilde (XXe) selon le dernier décompte du syndicat PACS sur son blog (lire ici).
Les équipes soulignent les fortes tensions qu’elles subissent — autant que d’autres corps de métiers au demeurant. « Mais dans ce climat global, aux contradictions multiples, on aboutit à un ras-le-bol généralisé », nous précise un agent. Déjà, le fait que le courrier à la DAC ait réuni plus de cinquante signatures de responsables d’établissements donnait le ton. A minima un signe à prendre au sérieux… Les personnels demandent actuellement qu’une rotation s’instaure entre les équipes sur la semaine, de sorte que la Ville de Paris se calque sur le Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés. Ils demandent ainsi de « limiter le nombre d’agents susceptibles d’être présents ou de se croiser sur le lieu de travail ».
Au cours de l’année passée, les agents ont vécu des montagnes russes : la réduction des horaires, le placement des documents en quarantaine, les jauges maximales de personnes autorisées… Des mesures que l’on retrouve dans nombre de structures, commerciales ou non. Mais dans le grand monde des bibliothèques, il a aussi fallu composer avec des usagers pas toujours compréhensifs. « Souvent, ils se montrent tendus, et n’acceptent pas de devoir attendre dehors quand les jauges sont complètes – alors que le principe est le même partout », nous confie un agent. « Ou alors, on s’énerve parce qu’il n’est pas possible d’emprunter le même nombre de documents qu’avant la pandémie.
Selon les chiffres communiqués par les syndicats, près de cinquante agents (seraient actuellement en ASA — l’autorisation spéciale d’absence- sur 1000 à 1200 personnes, incluant les services centraux. « À cela, on ajoute les personnes cas-contact, les gens positifs, et ainsi de suite… » Les représentants des personels rappelaient ce 26 mars que le taux d’incidence est passé au-delà de 600. « Nous appelons donc toutes les équipes de l’ensemble du réseau à exercer leur droit de retrait ce samedi . Le droit de retrait consiste à se retirer d’une situation considérée comme dangereuse pour sa santé. Il doit être cohérent avec la demande de protection (rester au domicile et si le choix est de fermer au public : faire du travail interne en respectant absolument les distances requises en se répartissant dans les espaces) ».
Notons également que la Mission Inspection Santé Sécurité Travail (MISST) a demandé, lors des derniers CHSCT et d’après les comptes rendus des organisations syndicales, que la préconisation sanitaire de « limiter le nombre d’agents susceptibles d’être présents ou de se croiser sur le lieu de travail » soit respectée. À effectif complet, il serait tout simplement impossible de respecter ou faire respecter l’ensemble des gestes barrières. L’exercice du droit de retrait ne prend fin qu’à compter du moment où l’employeur a apporté des solutions aux objections formulées. « Par conséquent, soit la DAC propose des solutions de télétravail partiel, soit elle doit nous accorder 2 journées d’ASA, pour pouvoir respecter ces obligations en matière sanitaire »,
La culture machiste du syndicat n’est plus une évidence que l’on subit. Exercice du pouvoir et pratique managériale n’échappent pas aux critiques non plus. La centrale, elle aussi, est traversée par les mouvements de la société
À l’initiative de la CGT, de la FSU et de Solidaires, trente sept associations appellent à une mobilisation le 8 mars à l’occasion de la journée des droits des femmes. Elles lancent une grève pour que ces dernières cessent le travail à 15 h 40 afin de sensibiliser aux écarts de salaires avec les hommes. On compare souvent la CGT à une citadelle ou à un bunker. A tort. Elle est ouverte aux vents qui soufflent sur la société. Ainsi, sa culture machiste n’est plus subie comme une fatalité ; ainsi, sa gouvernance autoritaire contredit l’appétit démocratique ; ainsi, certaines de ses pratiques managériales sont portées sur la place publique. Le 11 février, les Editions Michalon publient La résistible ascension de Philippe Martinez. Ecrit par un ancien de la maison, Jean-Bernard Gervais, il se veut un témoignage pamphlétaire sur la gestion de l’actuel secrétaire général. Le 23 février, c'est Virginie Gensel Imbrecht, membre du bureau confédéral, qui démissionne de ce poste et écrit une longue lettre en forme de réquisitoire. Enfin, le 28 février, Le Monde publie une enquête fouillée sur les pratiques de la CGT Paris (voir ici).
La CGT est le premier syndicat de la mairie de la capitale. Depuis plusieurs années, batailles de pouvoir, conception du syndicalisme, accusation de sexisme se mêlent. Sur quatre mille encartés, six cent, au moins, auraient quitté le syndicat, souligne le quotidien, dont 80 % de femmes. Au cœur du sujet, le syndicat de la filière traitement des déchets, dirigé par Régis Vieceli. Son image : archéo-stalinien, machiste, viriliste. Des femmes dénoncent des attouchements lors de manifestations. Pourtant, la CGT a créé une cellule de veille contre les violences sexistes et sexuelles, il y a quatre ans. Sa commission exécutive, organe décisionnaire, est paritaire. Mais la culture ignore parfois les structures.
« Vieceli incarne un management autoritaire de mecs qui pensent qu’ils ont raison contre tout le monde, pratiquant le rapport de force, y compris en interne : “T’es une nana, tu la fermes”, déplore un militant cégétiste. La CGT a sa part d’ombre, ces forces-là existent, mais il faut les contrôler. Or, Martinez les a utilisées, et maintenant elles lui échappent».Le désordre parisien est aussi dû à des luttes de pouvoir.Philippe Martinez n’a pas su ou voulu y mettre bon ordre. Il a bien tenté d’inciter au calme, mais la secrétaire générale de la Fédération des services publics (structure têtière de la CGT Paris) l’a rabroué sur le thème : « Mêle-toi de tes affaires ». Impuissant, ici. Autoritaire, là. C’est ce second aspect que Jean-Bernard Gervais met en avant.
Embauché en 2016 au service communication de la confédération, il arrive amoureux de Philippe Martinez et en part dépité. Militant Nuit Debout qui a navigué du côté de La France insoumise et du NPA, Gervais mène une critique de gauche de la politique cégétiste. « Le congrès de 2016 avait donné à Martinez un mandat basé sur la lutte des classes. Or, il est dans une logique institutionnelle, il ne s’oppose pas frontalement », explique-t-il à l’Opinion. Au passage, on apprend que Philippe Martinez est un grand amateur d’opéra qui s’en cache parce que cela fait bourgeois. Jean-Bernard Gervais décrit aussi des pratiques internes, marginalisation, harcèlement, pour contraindre au départ. L’auteur n’échappe pas aux tares qu’il dénonce, parlant de « blondasse défraîchie » à propos d’une femme. « J’ai également dépeint des hommes de manière négative », se justifie-t-il aujourd’hui. Interrogé sur le livre par RTL, Philippe Martinez a répondu : « C’est les états d’âme d’un garçon qui est un peu frustré. [...] Globalement, il y a un mensonge par page ».
Pourtant dans sa lettre de démission du bureau confédéral, Virginie Gensel Imbrecht dénonce un exercice du pouvoir dont elle aussi se dit victime. On l’avait mandatée pour transformer La Nouvelle Vie Ouvrière, journal de la CGT. Elle a produit un projet, mais à quel prix ! La syndicaliste raconte une série de mécomptes, documents non communiqués, réunions différées, informations tronquées. « Les mêmes méthodes, [les] mêmes fonctionnements s’exercent sur toutes les questions qui nous traversent et les différents sujets à traiter, écrit-elle. Aujourd’hui, je considère que le bureau confédéral décide tout d’en haut […] et n’écoute en rien les voix qui montent […] ». « Tous ces mouvements doivent se comprendre à l’aune de la préparation du prochain congrès de la CGT, en 2022, analyse Stéphane Sirot, historien, spécialiste du syndicalisme. Philippe Martinez cherche à le verrouiller, alors que Laurent Brun (secrétaire général de la Fédération des cheminots) est pressenti. On cite aussi Baptiste Talbot, ex-secrétaire général de la Fédération des services publics, susceptible de faire le pont entre les réformistes et les radicaux »
Pour les uns, Martinez s’est éloigné du recentrage voulu par Louis Viannet puis par Bernard Thibault : les pratiques machistes seraient revenues dans les fourgons d’une CGT plus dure. En revanche, Stéphane Sirot, lui, ne voit pas de franche rupture. « Durant la crise, Martinez a signé une lettre pour soutenir le plan de relance Macron/Merkel. Et, cet automne, un courrier, avec les autres centrales, pour appeler au dialogue social.De fait, il n’a pas de vision du syndicalisme et doit faire face à des tensions fortes». Il doit aussi regarder à l’extérieur. Tous les ans, la CGT demande à Harris Interactive un baromètre, à usage interne, sur l’image des syndicats et de la CGT auprès des Français. Le cru 2021 vient d’arriver. Les attentes vis-à-vis de la CGT ? 84 % souhaitent qu’elle s’ouvre davantage au dialogue social ; 76 % qu’elle soit une force de proposition ; 73 % qu’elle soit indépendante. On en est loin.
La première organisation syndicale de la collectivité est ébranlée depuis plusieurs années par de violents et profonds conflits, rapporte « Le Monde »
Batailles de pouvoir, conceptions divergentes du syndicalisme, violences sexistes… La crise est profonde au sein de la CGT de la Ville de Paris. Depuis de nombreuses années, la première organisation syndicale de la collectivité fait face à une sorte de guerre fratricide, raconte Le Mondesamedi 27 février. Plusieurs branches ont d'ailleurs décidé de rompre les liens avec l'entité principale, à l'image du syndicat CGT des personnels administratifs, de la culture et des services (Pacs) ou encore la CGT-Petite enfance, le 25 janvier dernier. Selon le quotidien, ils seraient déjà 600 à avoir abandonné le syndicat, sur les 4 000 personnes encartées, et d'autres départs seraient à prévoir. Plus de 80 % des partants seraient des femmes, rapporte de son côté le secrétaire général de l'union départementale cégétiste de Paris, Benoît Martin.
Le dossier est complexe. Il faut d'abord remonter aux fondements de la CGT, avec des structures assises sur des territoires et des secteurs d'activité, le tout régi par la direction confédérale. Il faut aussi prendre en compte la particularité de l'organisation dans la capitale. L'Union syndicale CGT compte en effet treize organisations d'agents publics employés par la Mairie de Paris, mais leur structuration n'est pas au goût de la fédération. Pour tenter d'endiguer le problème, des discussions au sujet d'une sorte de syndicat unifié ont été lancées en 2017, en vain, rappelle le quotidien. Finalement, plusieurs composantes de l'Union quittent le navire pour se regrouper dans un comité des syndicats CGT de la Ville de Paris, notamment la CGT-Filière traitement des déchets, nettoiement, eau, égout et assainissement (FTDNEEA), groupe le plus puissant de la municipalité.
Ce syndicat, dirigé par Régis Vieceli, n'est pas vu d'un bon œil par d'autres franges de la CGT qui ne se reconnaissent ni dans les orientations défendues, ni dans sa façon de militer. D'autres événements, régulièrement rapportés par les médias, ont contribué aux tensions actuelles. Parmi eux, des débordements qui auraient eu lieu le 14 juin 2016, à l'occasion d'une manifestation contre la loi travail. Deux femmes ont raconté avoir subi des attouchements sexuels alors qu'elles étaient proches du convoi du syndicat du nettoiement. Autre exemple, le 2 décembre 2016, lorsqu'une violente altercation a éclaté à la Bourse du travail entre Régis Vieceli et une militante de la CGT-Petite enfance. Le syndicaliste, qui réfute les accusations, aurait attrapé la femme par les cheveux avant de la pousser violemment sur une table, rappelle Le Monde.
L'affaire fait grand bruit. Elle remonte même jusqu'à la cellule de veille confédérale contre les violences sexistes et sexuelles de la CGT. Le Monde cite alors un rapport de 2018 qu'il a pu consulter, dans lequel la structure suggère que la fédération ne tient pas particulièrement à s'occuper de ce dossier et qu'il existe une « stratégie de pression sur la cellule [de veille] par les soutiens de Régis Vieceli ». Cette dernière avait alors expliqué à Mediapartavoir pris la mesure du problème et miser sur « l'éducation et la pédagogie » pour que les comportements évoluent.
La rupture est claire entre ce qu'il reste de l'Union syndicale et la coalition menée par la CGT-FTDNEEA. Néanmoins, des médiations ont été tentées pour réduire ces fractures. Aux dernières élections, la CGT est finalement parvenue à garder sa première place d'organisation syndicale à la Ville de Paris. De son côté la fédération des services publics a tenté de créer un groupe qui rassemblerait tout le monde à travers l'organisation d'une conférence en 2019. Un projet inquiétant selon l'Union syndicale, qui considère que la fédération prend ainsi parti pour Régis Vieceli et que ces évolutions ne peuvent pas venir d'en haut. Les organisations de l'Union syndicale avaient d'ailleurs refusé de participer à cette conférence.
Les tensions engendrées ont même forcé le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez à réagir. « Plusieurs syndicats CGT peuvent cohabiter au sein d'une même entreprise ou d'une administration », avait-il plaidé, cité par le quotidien, tout en insistant sur la nécessité de « bannir les comportements autoritaires, parfois violents ou sexistes ». À l'approche des prochaines élections professionnelles à la Mairie de Paris, en décembre 2022, plus personne ne se fait d'illusions : divisée, la CGT risque bien de perdre sa première place.
Par Raphaëlle Besse Desmoulières et Bertrand Bissuel (Le Monde)
Le premier syndicat de la collectivité subit plusieurs départs sur fond de tensions politiques et d’accusations de sexisme
En quatre petits mots, Christine Derval conclut la consternante histoire qu’elle vient de raconter : « C’est un gâchis ». Cette femme au caractère bien trempé fait partie des protagonistes happés dans la crise interne qui ébranle, depuis de nombreuses années, la CGT à la Mairie de Paris, première organisation syndicale de la collectivité. Une crise violente, profonde où s’entremêlent batailles de pouvoir, conceptions divergentes du syndicalisme et accusations de violences sexistes et sexuelles.
Le 25 janvier, la CGT-Petite enfance, dont Christine Derval était alors la secrétaire générale, a décidé – fait plutôt rare – de se désaffilier, c’est-à-dire d’abandonner son étiquette avec les trois lettres blanches sur fond rouge. Un mois et demi auparavant, le syndicat CGT des personnels administratifs, de la culture et des services (PACS) avait fait un choix identique. Ils seraient ainsi 600 à avoir coupé le lien, sur les quelque 4 000 encartés à la CGT à la Mairie de Paris. « C’est assez dramatique, c’est un affaiblissement de la CGT », commente Benoît Martin, secrétaire général de l’union départementale (UD) cégétiste dans la capitale, en faisant remarquer qu’un peu plus de 80 % des partants sont des femmes.
L’affaire est loin d’être anecdotique : elle rejaillit sur la plus grande fédération de la CGT, celle des services publics, les syndicats CGT à la Ville de Paris dépendant d’elle. L’hémorragie pourrait ne pas s’arrêter là. Le syndicat des agents de la grande maîtrise envisage, lui aussi, de larguer les amarres. « Aujourd’hui, il est très fortement probable qu’il y ait une désaffiliation ou de grands départs mais c’est le congrès [programmé prochainement] qui décidera », explique son leader, Jean Sillet. Le syndicat CGT des eaux s’interroge également et arrêtera bientôt sa position (voir ici).
Pour retracer la genèse de ces déchirements, il faut, au préalable, rappeler comment est construite la CGT : ses structures sont assises sur des territoires (unions locales, départementales…) et sur des secteurs d’activité (les fédérations). Au dernier étage trône la direction confédérale. Dans cet agencement, l’Union syndicale CGT des services publics parisiens représente une singularité : elle coiffe treize organisations d’agents publics employés par la Mairie de Paris – dont les syndicats petite enfance, PACS, agents de la grande maîtrise et des eaux. C’est en son sein qu’une guerre fratricide a éclaté.
Depuis des années, la fédération CGT des services publics n’apprécie guère la structuration de ses troupes dans les services municipaux de la capitale : certains syndicats se sont constitués sur des bases catégorielles ou professionnelles, d’autres en référence à des directions de la Mairie. Le tout engendre chevauchements et frictions. Émerge donc l’idée de transformer l’Union syndicale pour en faire, peu à peu, une sorte de syndicat unifié. Le projet est débattu en 2017 lors d’un congrès mais les discussions tournent au vinaigre. La CGT-Filière traitement des déchets, nettoiement, eau, égout et assainissement (FTDNEEA) est soupçonnée de vouloir modifier les statuts afin de devenir hégémonique. S’ensuit une bataille procédurale mouvementée. Bilan : l’Union est maintenue mais plusieurs de ses composantes la quittent et se regrouperont, plus tard, dans un comité des syndicats CGT de la Ville de Paris.
Parmi les scissionnistes, il y a la CGT-FTDNEEA. C’est le syndicat le plus puissant, parmi tous ceux que la CGT a implantés au sein de la municipalité : environ un millier d’adhérents. Son chef, Régis Vieceli, un temps membre des instances de la fédération des services publics, est charismatique et grande gueule. Il n’a pas que des amis à la CGT : certains le décrivent comme « un gourou » au comportement autoritaire – « il est pire que les patrons », juge une militante. Ses troupes inspirent aussi des commentaires peu flatteurs. « Ce sont des archéo-staliniens, partisans du retour à une CGT fantasmée qui serait exclusivement dans la lutte, critique un de leur « camarade » parisien. L’ambiance y est très masculine, viriliste et ouvriériste – au mauvais sens du mot. ».
Les militants de la CGT-FTDNEEA sont de toutes les manifestations dans la capitale. Dans les cortèges, il est difficile de rater leur camion, décoré avec un sticker géant FSM, pour Fédération syndicale mondiale. Une internationale communiste qui réunit, entre autres, des syndicats nord-coréen et syrien : la CGT l’a quittée en 1995, mais certaines de ses structures, comme les fédérations de la chimie et du commerce, y ont depuis adhéré.
Le syndicat de Régis Vieceli défend des orientations et une façon de militer dans lesquelles d’autres franges de la CGT ne se reconnaissent pas. Ils se voient reprocher d’être dominateurs et mus par la certitude qu’ils incarnent l’avant-garde éclairée du prolétariat. « Il y aurait les durs et les mous », schématise, à dessein, Benoît Martin : un courant lutte des classes, qui se targuerait d’être dans le vrai, contre un courant réformiste, qui se perdrait dans des stratégies illusoires d’alliance avec d’autres syndicats. La réalité n’est pas aussi binaire. Parmi les détracteurs de Régis Vieceli, il y a des cégétistes qui ont, par ailleurs, des engagements politiques, au NPA ou dans d’autres formations à la gauche de la gauche, dont la caractéristique première, sur le plan idéologique, n’est ni la mollesse ni la complaisance avec le social-libéralisme.
Ces querelles intestines ne peuvent se comprendre sans tenir compte de l’atmosphère poisseuse qui règne depuis des années. De multiples incidents, relatés dans des articles de Mediapart et rapportés au Monde par d’autres sources, ont marqué les esprits. Il y a notamment des débordements lors d’une manifestation contre la loi travail, le 14 juin 2016 : selon Christine Derval, deux femmes, dont une militante de la CGT-Petite enfance, disent avoir subi, ce jour-là, des attouchements (mains aux fesses et aux seins) alors qu’elles se trouvaient à proximité du convoi formé par le syndicat du nettoiement.
- Pour les mains au panier, exigeons mieux et plus !
Un autre épisode reste gravé dans les mémoires : l’altercation entre Régis Vieceli et une militante de la CGT-Petite enfance, le 2 décembre 2016, à la Bourse du travail. Le syndicaliste est accusé d’avoir agressé cette femme, en l’attrapant par les cheveux et en la poussant violemment sur une table. Une plainte est déposée mais le parquet n’engage pas de poursuites. Régis Vieceli, lui, conteste les faits : « Je n’ai porté aucun coup », assure-t-il dans un courrier à l’UD de Paris. Il soutient même être « victime d’une cabale », ourdie par « certains “camarades” ». Son syndicat publie une déclaration pour lui apporter un « plein et entier soutien » : « Certains pensent qu’en faisant tomber la tête de notre secrétaire général, ils amèneront [la] CGT du nettoiement dans le camp des réformistes ».
L’accrochage du 2 décembre cause de gros remous. L’UD de Paris « condamne très fermement le recours à la violence entre militants », ajoutant qu’« elle ne peut tolérer, quelles que soient les circonstances, les violences faites à des femmes ». Une mise à l’index implicite de Régis Vieceli. La fédération des services publics, elle, refuse de se montrer aussi tranchée : Baptiste Talbot, son secrétaire général à l’époque, considère, dans un mail du 16 décembre 2016, qu’« à ce stade (…) des interrogations subsistent quant aux faits et à leur enchaînement ».
L’histoire remonte jusqu’à la cellule de veille confédérale contre les violences sexistes et sexuelles de la CGT. Dans un rapport remis en janvier 2018, que Le Monde a pu consulter, cette structure – unique parmi les organisations de salariés – suggère à mots couverts que la fédération n’est pas très allante pour élucider l’affaire. Le document fait aussi état d’une « stratégie de pression sur la cellule [de veille] par les soutiens de RV [Régis Vieceli] ». A l’époque, la fédération fait valoir, en substance, dans Mediapart, qu’elle a pris la mesure du problème et qu’elle mise sur « l’éducation et la pédagogie » pour faire évoluer les comportements.
Mais deux blocs continuent de se faire face : ce qu’il reste de l’Union syndicale et la coalition emmenée par la CGT-FTDNEEA. Des médiations sont tentées qui permettent à la CGT de présenter des candidatures uniques, fin 2018, aux élections professionnelles à la Mairie de Paris et de conserver sa première place. Mais ce résultat inespéré ne réduit pas les fractures. La fédération des services publics décide alors d’organiser, en 2019, une conférence dans le but de créer une entité qui rassemblerait tout le monde.
L’initiative est regardée avec inquiétude par l’Union syndicale car, à ses yeux, la fédération marche main dans la main avec Régis Vieceli et ses affidés. « Au lieu de mettre tout le monde autour de la table et de rester neutre, elle a pris parti », estime Jean Sillet. La démarche de la fédération est aussi mal vécue à cause de son caractère jupitérien. « Il fallait évoluer mais ça ne pouvait pas venir d’en haut, confie Julien Zambelli, secrétaire général du syndicat PACS. Les transformations auraient dû partir d’en bas et non pas être conduites de façon autoritaire ».
Résultat : les organisations restées dans l’Union syndicale refusent de participer à la conférence proposée par la fédération. Elles le paieront cher. Fin janvier 2020, 498 de leurs militants apprennent que les heures de délégation dont ils bénéficient pour accomplir leur mission de syndicaliste sont suspendues. Il s’agit d’un droit essentiel, que la fédération leur retire, tant qu’ils ne rejoindront pas une entité créée avec son appui : le Comité CGT des services publics parisiens, au sein duquel se trouvent Régis Vieceli et ses alliés. Stupeur en interne : ils sont plusieurs à se dire révoltés par « la liste de la honte » – en référence aux quinze pages transmises à la DRH de la Mairie qui recensent les noms et prénoms de tous les punis (lire ici).
Quelques jours plus tard, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, envoie un courrier à Natacha Pommet, la nouvelle dirigeante de la fédération des services publics. « Je pense que cette situation n’a que trop duré (…), écrit-il. Il y a besoin de retrouver le sens de l’organisation, de la démocratie et du respect des syndiqué (es). » « Plusieurs syndicats CGT peuvent cohabiter au sein d’une même entreprise ou d’une administration », juge-t-il, tout en redisant la nécessité de « bannir les comportements autoritaires, parfois violents ou sexistes ». Il prend aussi soin de reconnaître que son « avis n’est que consultatif », puisque « les règles du fédéralisme (…) font que la confédération ne peut s’immiscer » dans des décisions prises par les fédérations qui sont statutairement autonomes.
C’est d’ailleurs ce qui explique que Natacha Pommet recadre, poliment mais sèchement, Philippe Martinez, dans une lettre, deux semaines plus tard. « La multiplicité de syndicats face à un employeur est source de divisions, l’exemple de Paris en est la preuve concrète, développe-t-elle. Que le secrétaire général de la CGT affirme le contraire (…) nous pose une difficulté supplémentaire et risque de créer de fâcheux précédents ». Pour que son message soit bien clair, elle souligne que la fédération « ne répondra jamais à une quelconque pression, qu’elle émane d’une source interne ou externe ».
Voilà comment la CGT-Ville de Paris s’est disloquée, avec le départ fracassant des syndicats PACS et petite enfance. Celui des animateurs, également en conflit avec la fédération, n’a pas l’intention de se désaffilier mais il en a gros sur le cœur, comme le confie son secrétaire général, Jean-François Lafond : « Après vingt-cinq ans de militantisme à la CGT, c’est humiliant et déstabilisant de finir congédié sur une liste de 498 camarades adressée à la Mairie de Paris. Nous n’avions ni détourné de l’argent ni trahi les valeurs du syndicat ».
Contacté par Le Monde, Philippe Martinez indique qu’il n’a « pas de commentaire à faire », tout en se disant « toujours inquiet quand il y a des désaffiliations de ce type ». « Nous avons des statuts et je les respecte », précise-t-il. Une position qui lui évite de se brouiller avec la plus importante de ses fédérations à un an du congrès de la centrale, au cours duquel se posera la question du renouvellement de son mandat, s’il souhaite rester numéro un.
Natacha Pommet n’a pas non plus donné suite à notre demande d’entretien. Par SMS, elle expose que « les désaffiliations de deux syndicats, décidées par des minorités de militants, sont à replacer dans un contexte global ». « Faute de consensus, la règle de la décision à la majorité a prévalu et une partie des militants, défendant le point de vue minoritaire, a donc décidé de quitter la CGT », argumente-t-elle. Quant à Régis Vieceli, la seule chose qu’il souhaite déclarer tient en une phrase : « Je ne réponds pas sur des affaires internes à la CGT ».
Désormais, plus grand monde ne se fait d’illusions sur les prochaines élections professionnelles à la Mairie de Paris, qui devraient avoir lieu en décembre 2022. Elles pourraient s’avérer catastrophiques – la CGT courant le risque de perdre sa première place. « Tout le travail abattu par des militantes et par des militants est réduit en miettes », se désole Christine Derval. « Je n’ai plus que mépris pour la maison CGT », complète Jean-François Lafond. Une maison qui a rarement donné autant l’impression de trembler sur ses bases.
Dans cet ouvrage digne d’un San-Antonio, le journaliste Jean-Bernard Gervais livre le récit de ses deux années « effrayantes », infiltré au sein du syndicat
Journaliste et sympathisant cégétiste, Jean-Bernard Gervais a un projet : « Devenir le plus proche conseiller en com » de Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, pour « pouvoir chroniquer son règne ». « Pépito », comme il l’appelle en reprenant un de ses surnoms, c’est son « idole ». « J’étais, avoue-t-il, sous le charme de ce petit homme aux moustaches brun anthracite fournies, cet Astérix “hispanique” à la peau tannée qui résistait du fond de son petit village gaulois, situé à la porte de Montreuil, aux hordes de centurions du Parti socialiste, lequel tentait d’imposer de gré ou de force la réforme ultralibérale du code du travail ». Fin 2016, il se fait embaucher comme « conseiller confédéral en charge de la cohérence des productions de la CGT » (sic), en clair, pour réanimer une communication en panne.
Pendant deux années « effrayantes », jusqu’à ce que, mis sur la touche et se disant harcelé, il jette l’éponge, notre journaliste « gonzo » (embedded) va de désillusions en désenchantements en découvrant que, derrière une « image vertueuse », « vénalité, brutalité, bêtise règnent en maître » à la CGT. Jean-Bernard Gervais n’a rien d’un Candide et il est sur une ligne radicale, loin du « réformisme » prêté à la centrale. Il juge qu’après l’élection d’Emmanuel Macron, la « conf » aurait dû boycotter la concertation engagée, qui n’était qu’une « vaste farce ». Et qu’au lieu de regarder passer le « train-train néolibéral » des réformes macronistes, « comme une belle vache normande », elle aurait dû « provoquer une grève générale illimitée qui aurait certainement rebattu les cartes de la lutte des classes ».
Le récit est enlevé, très vivant et se lit comme un roman d’espionnage. Tel un amoureux déçu, Gervais est cruel, parfois drôle. Son réquisitoire est peu nuancé, mais vise souvent juste. C’est San-Antonio à la CGT, qui témoigne crûment de ses déboires, avec une bonne dose d’argot. Chargé d’organiser une campagne de communication sur les 32 heures, « la proposition-phare du mandat de Martinez, vomie par la moitié de la CGT », il dresse un comparatif des positions des candidats à la présidentielle de 2017. Malheur, seul Philippe Poutou défend le « passage immédiat aux 32 heures ». Le voilà accusé, lors d’un « procès de Moscou-Montreuil », de laisser entendre que la CGT appelle à voter pour le NPA trotskiste…
L’ouvrage est bourré d’anecdotes qui dépeignent bien le climat interne, malgré quelques approximations. L’auteur approche peu « Pépito », qu’il décrit « entouré d’ennemis », « méprisant avec le personnel », mais « maîtrisant à la perfection le jeu de cour ». Au bout du compte, son constat est amer : « Malgré son bilan catastrophique, conclut Gervais, l’échec de toutes les batailles syndicales menées en 2018, une communication d’éléphant de mer et la perte sèche d’au moins 30 000 adhérents sur 650 000 cégétistes », Philippe Martinez est réélu en mai 2019. San-Antonio a perdu le match.