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5 mars 2021 5 05 /03 /mars /2021 11:37

 

La culture machiste du syndicat n’est plus une évidence que l’on subit. Exercice du pouvoir et pratique managériale n’échappent pas aux critiques non plus. La centrale, elle aussi, est traversée par les mouvements de la société

 

À l’initiative de la CGT, de la FSU et de Solidaires, trente sept associations appellent à une mobilisation le 8 mars à l’occasion de la journée des droits des femmes. Elles lancent une grève pour que ces dernières cessent le travail à 15 h 40 afin de sensibiliser aux écarts de salaires avec les hommes. On compare souvent la CGT à une citadelle ou à un bunker. A tort. Elle est ouverte aux vents qui soufflent sur la société. Ainsi, sa culture machiste n’est plus subie comme une fatalité ; ainsi, sa gouvernance autoritaire contredit l’appétit démocratique ; ainsi, certaines de ses pratiques managériales sont portées sur la place publique. Le 11 février, les Editions Michalon publient La résistible ascension de Philippe Martinez. Ecrit par un ancien de la maison, Jean-Bernard Gervais, il se veut un témoignage pamphlétaire sur la gestion de l’actuel secrétaire général. Le 23 février,  c'est Virginie Gensel Imbrecht, membre du bureau confédéral, qui démissionne de ce poste et écrit une longue lettre en forme de réquisitoire. Enfin, le 28 février, Le Monde publie une enquête fouillée sur les pratiques de la CGT Paris (voir ici).

 

La CGT est le premier syndicat de la mairie de la capitale. Depuis plusieurs années, batailles de pouvoir, conception du syndicalisme, accusation de sexisme se mêlent. Sur quatre mille encartés, six cent, au moins, auraient quitté le syndicat, souligne le quotidien, dont 80 % de femmes. Au cœur du sujet, le syndicat de la filière traitement des déchets, dirigé par Régis Vieceli. Son image : archéo-stalinien, machiste, viriliste. Des femmes dénoncent des attouchements lors de manifestations. Pourtant, la CGT a créé une cellule de veille contre les violences sexistes et sexuelles, il y a quatre ans. Sa commission exécutive, organe décisionnaire, est paritaire. Mais la culture ignore parfois les structures.

 

« Vieceli incarne un management autoritaire de mecs qui pensent qu’ils ont raison contre tout le monde, pratiquant le rapport de force, y compris en interne : “T’es une nana, tu la fermes”, déplore un militant cégétiste. La CGT a sa part d’ombre, ces forces-là existent, mais il faut les contrôler. Or, Martinez les a utilisées, et maintenant elles lui échappent ». Le désordre parisien est aussi dû à des luttes de pouvoir. Philippe Martinez n’a pas su ou voulu y mettre bon ordre. Il a bien tenté d’inciter au calme, mais la secrétaire générale de la Fédération des services publics (structure têtière de la CGT Paris) l’a rabroué sur le thème : « Mêle-toi de tes affaires ». Impuissant, ici. Autoritaire, là. C’est ce second aspect que Jean-Bernard Gervais met en avant.

 

Embauché en 2016 au service communication de la confédération, il arrive amoureux de Philippe Martinez et en part dépité. Militant Nuit Debout qui a navigué du côté de La France insoumise et du NPA, Gervais mène une critique de gauche de la politique cégétiste. « Le congrès de 2016 avait donné à Martinez un mandat basé sur la lutte des classes. Or, il est dans une logique institutionnelle, il ne s’oppose pas frontalement », explique-t-il à l’Opinion. Au passage, on apprend que Philippe Martinez est un grand amateur d’opéra qui s’en cache parce que cela fait bourgeois. Jean-Bernard Gervais décrit aussi des pratiques internes, marginalisation, harcèlement, pour contraindre au départ. L’auteur n’échappe pas aux tares qu’il dénonce, parlant de « blondasse défraîchie » à propos d’une femme. « J’ai également dépeint des hommes de manière négative », se justifie-t-il aujourd’hui. Interrogé sur le livre par RTL, Philippe Martinez a répondu : « C’est les états d’âme d’un garçon qui est un peu frustré. [...] Globalement, il y a un mensonge par page ».

 

Pourtant dans sa lettre de démission du bureau confédéral, Virginie Gensel Imbrecht dénonce un exercice du pouvoir dont elle aussi se dit victime. On l’avait mandatée pour transformer La Nouvelle Vie Ouvrière, journal de la CGT. Elle a produit un projet, mais à quel prix ! La syndicaliste raconte une série de mécomptes, documents non communiqués, réunions différées, informations tronquées. « Les mêmes méthodes, [les] mêmes fonctionnements s’exercent sur toutes les questions qui nous traversent et les différents sujets à traiter, écrit-elle. Aujourd’hui, je considère que le bureau confédéral décide tout d’en haut […] et n’écoute en rien les voix qui montent […] ». « Tous ces mouvements doivent se comprendre à l’aune de la préparation du prochain congrès de la CGT, en 2022, analyse Stéphane Sirot, historien, spécialiste du syndicalisme. Philippe Martinez cherche à le verrouiller, alors que Laurent Brun (secrétaire général de la Fédération des cheminots) est pressenti. On cite aussi Baptiste Talbot, ex-secrétaire général de la Fédération des services publics, susceptible de faire le pont entre les réformistes et les radicaux »

 

Pour les uns, Martinez s’est éloigné du recentrage voulu par Louis Viannet puis par Bernard Thibault : les pratiques machistes seraient revenues dans les fourgons d’une CGT plus dure. En revanche, Stéphane Sirot, lui, ne voit pas de franche rupture. « Durant la crise, Martinez a signé une lettre pour soutenir le plan de relance Macron/Merkel. Et, cet automne, un courrier, avec les autres centrales, pour appeler au dialogue social. De fait, il n’a pas de vision du syndicalisme et doit faire face à des tensions fortes ». Il doit aussi regarder à l’extérieur. Tous les ans, la CGT demande à Harris Interactive un baromètre, à usage interne, sur l’image des syndicats et de la CGT auprès des Français. Le cru 2021 vient d’arriver. Les attentes vis-à-vis de la CGT ? 84 % souhaitent qu’elle s’ouvre davantage au dialogue social ; 76 % qu’elle soit une force de proposition ; 73 % qu’elle soit indépendante. On en est loin.

 

Lire l’article de L’Opinion

 

 

 

 

 

                                              A la CGT, les moustaches font de la résistance

 

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