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13 janvier 2023 5 13 /01 /janvier /2023 16:21

 

Comme les livres, quoi....

 

« Ah bon, c’est payant ? Dans ce cas je renonce à m’inscrire ». C’est la litanie qu’entendent quotidiennement les discothécaires de la Ville de Paris qui exercent dans les vingt (chiffres indicatif) bibliothèques municipales de la capitale qui abritent encore des collections de phonogrammes (en majorité sous forme de Compact Disc mais aussi en vinyle). Car oui, si les bibliothèques de la Ville de Paris sont gratuites, c’est, pour les adultes, uniquement pour les collections imprimées car pour emprunter de la musique il faut débourser la somme de 30,50 euros. Une pratique dénoncée jusque dans un rapport commandé par….. la mairie de Paris elle-même !

« Il est incompréhensible de voir coexister dans un même lieu des documents gratuits d’un côté (des livres) et payants de l’autre (des CD ou des DVD) » pointait ce rapport rédigé en 2015 par Gilles Rettel. Il est vrai que cette différence de traitement entre supports documentaires porteurs d’une mission commune de diffusion culturelle ne se justifie en aucune façon. Il ne faut pas abandonner le prêt physique » car le CD (ou le vinyle) a « un impact sensitif » rappelle encore Giles Rettel pour qui « la dématérialisation est un mythe ». D’ailleurs, la production de disque reste encore plutôt élevée dans l’industrie de la musique avec ses milliers de parutions mensuelles, tous genres confondus, disponible en magasin ou sur les sites des musiciens et des maisons de disques.

Une position reprise par l’Association pour la coopération des professionnels de l’information musicale (ACIM) laquelle avait publié le manifeste la musique a toute sa place en bibliothèque pour réaffirmer le rôle prépondérant des médiathèques dans le développement de l’éducation et de la culture musicale de tous les publics, et notamment des nouvelles générations laquelle passe donc par la gratuité de l’abonnement pour emprunter dans les sections discothèques des bibliothèque de la capitale

Si la mairie de Paris pourra rétorquer qu’elle a exonéré de cet abonnement les mineurs et les adultes aux minima sociaux, elle oubliera en revanche de préciser que ce système a été totalement détourné de son objet initial. En effet, il est très fréquent de voir des CSP+ qui en ont les moyens emprunter des documents sonores (et aussi des DVD) gratuitement avec la carte de leurs enfants mineurs après les avoir inscrit avec un accès « tout documents adultes ». Finalement les seuls qui doivent continuer à payer pour emprunter de la musique (ou des DVD), car ne pouvant pas trouver d'artifice, sont les usagers majeurs sans enfants qui déclarent un revenu à partir du SMIC ce qui exclue de fait la grande majorité des publics précaires. Où sont les chômeurs, où sont les actifs à bas salaires, où sont les étudiants de  plus de dix-huit ans pour ne citer qu’eux ?

C’est pourquoi nous, professionnels des bibliothèques parisiennes, demandons à nouveau que la mairie de Paris instaure la gratuité de tous les supports musicaux, comme pour les collections imprimées, à tous les usagers sans distinction, pour permettre un véritable accès à la culture et une véritable égalité de traitement. De nombreuses collectivités ont déjà fait le choix de donner gratuitement accès à l’ensemble de leurs collections, sans distinctions, et parmi elles plusieurs grandes villes de province : qu’il s’agisse de Lille, Nantes, Rennes, Bordeaux, Aix-en-Provence ou Marseille, toutes se sont montrées plus ambitieuses ; la capitale peut-elle demeurer à l’arrière-garde ?

 

Premiers signataires (par ordre alphabétique) : Jeanne Ahdab (François Villon-Xe), Ismène Alessandri (MMP-Paris Centre), Nicolas Almimoff (Jacqueline de Romilly-XVIIIe), Sofia Arpal-Moya(Marguerite Duras-XXe), Abdoulaye Barry (Marguerite Duras-XXe), Florent Belser (MMP-Paris Centre), Maïlys Bion (Marguerite Audoux-IIIe), David Bonilla (Hergé-XIXe), Marielle Bonnabé (Oscar Wilde-XXe), Emilie Boulet (Marguerite Audoux), Jean-Luc Bourel (François Villon-Xe), Françoise Boyer (Buffon-Ve), Marie-Caroline Bretillot (Bibliothèque CDML-Ve), Carole Castéra-Tordet (André Malraux-VIe), Aurélia Collot (Françoise Sagan-Xe), Sibylle Cosson (Buffon-Ve), Thierry Chompré (Marguerite Yourcenar-XVe), Eric Cuisset (Italie-XIIIe), Marc Delbos (MMP-Paris Centre), Samuel Desprez (Jean-Pierre Melville-XIIIe), Djamila Derni (Buffon-Ve), Lorraine Deroin (Goutte-d'Or-XVIIIe), Louis Desplechin (Jean-Pierre Melville-XIIIe), Patrick Doncourt-Bandelier (Françoise Sagan-Xe), Solène Dubois (Buffon-Ve), Hervé Duret (Hélène Berr-XIIe), Patrick Engel (Valeyre-IXe), Pascal Faivre (Jean-Pierre Melville-XIIIe), Sébastien Fauque (MMP-Paris Centre), Victor Fouquoire (Germaine Tillion-XVIe), Thomas Frot (Hélène-Berr-XIIe), Yolande Garrido (Violette Leduc-XIe), Agathe Gucciardi (André Malraux-VIe), Gaëtan Hachette (Bibliothèque Hélène Berr-XIIe), Didier Hamon (Place des Fêtes-XIXe), Sandrine Haon (Marguerite Duras-XXe), Neil Hercberg (Georges Brassens-XIVe), Fabrice Lafay-Sorel (Germaine Tillion-XVIe), Marc Lagrange (MMP-Paris Centre), Thierry Lajeunesse (Jean-Pierre Melville-XIIIe), Laudine Lemancel (MMP-Paris-Centre), Blandine lemoine (Violette Leduc-XIe), Frédérique Lemoine (Gutenberg-XVe), Christophe Libouban (Buffon-Ve), Myriam Lomet (Jean-Pierre Melvile-XIIIe), Sophie Luis (Buffon-Ve), Bruno Martin (Italie-XIIIe), François Mary (Jean-Pierre Melville-XIIIe), Maxime Milliet (André Malraux-VIe), Laure Montardy (Buffon-Ve), Cécile Morin (Marguerite Duras-XXe), Karim Moussa (Marguerite Duras-XXe), Céline Muller (Buffon-Ve), Edouard Palis (Jean-Pierre Melville-XIIIe), Elisenda Panadés Inglés (Naguib Mahfouz XXe), Gabrielle Panetrat (MMP-Paris Centre), Catherine Pecassou (Italie-XIIIe), Jean-Claude Peralba (MMP Paris-Centre), Bertrand Pieri (MMP-Paris Centre), Luc Pierin (Marguerite Duras-XXe), Victor Popovic (Oscar-Wilde-XXe), Véronique Portefaix (Marguerite Duras-XXe), Laura Puget (Oscar Wilde-XXe), Freddy Rasolofo (André Malraux-VIe), Carine Robieu (Hergé-XIXe), Linnea Rönnholm (Marguerite Duras-XXe), Rémi Sanchiz (Mohamed Arkoun-Ve), Sylvie Saouma (Helène Berr-XIIe)), Mietek Stanuch (Germaine Tillion-XVIe), Aurélien Stiegler (Batignolles-XVIIe), Jean-Pierre Sutra-Fourcade (Jean-Pierre Melville-XIIIe), Maxime Torté (Germaine Tillion-XVIe), Josée Van Themsche (Germaine Tillion-XVIe), Nicolas Trompette (Violette Leduc-XIe), André Vestry (Violette Leduc-XIe), Mirta Villablanca (Buffon-Ve), Mathieu Villard (Robert Sabatier-XVIIIe). Et aussi en dehors de la Ville de Paris : Marine Cantournet (Médiathèque du Bassin d'Aurillac-Cantal)

Pour signer le texte écrire en envoyant vos noms à l'adresse courriel suivante : socialnecmergitur@yahoo.fr (si vous n'arriver pas à nous écrire, vous pouvez signer en laissant un message dans la rubrique commentaire)

 

 

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5 août 2021 4 05 /08 /août /2021 09:43

 

Dans une tribune, un bibliothécaire parisien qui travaille dans le nord de la capitale dresse un constat cinglant de la politique appliquée par Anne Hidalgo et son équipe dans les lieux de culture pour les publics le plus précaires et les personnels de bibliothèque

 

C’est une tribune d'un très argumentée sur l’application du passe sanitaire dans les bibliothèques de la capitale. Un texte, s’il est d’origine parisienne (l’auteur travaille dans la XVIIIe arrondissement dans un établissement situé dans un quartier politique de la Ville) et fait référence à la politique appliquée par Anne Hidalgo et son équipe en la matière, va évidemment bien au-delà du périphérique sur les conséquences de l'instauration de cette mesure dans les lieux de culture pour les publics le plus précaires et les personnels de bibliothèque. Le voici dans son intégralité.

 

« Depuis le 21 juillet 2021, l'autorité municipale de la ville de Paris impose la présentation du passe sanitaire à tous les usagers de plus de dix huit ans pour accéder à ses bibliothèques. Dès le 30 septembre prochain, le passe sanitaire sera aussi exigé dès l'âge de douze ans pour accéder aux bibliothèques de la ville. Quelles impactes, cette obligation du passe sanitaire, plus de la vérification d'identité, y compris dès douze ans, ont déjà sur les usagers et les personnels de bibliothèque ?

 

Posons-nous deux questions à la date d'aujourd'hui, celle du 5 août  2021. Quel type de public l'imposition de ce passe sanitaire exclut-il réellement ? Qui est chargé du contrôle de ce passe sanitaire à l'entrée des bibliothèques de Paris ? Quel type de public l'imposition de ce passe sanitaire exclut-il réellement ? Pour tenter d'explorer cette première interrogation, intéressons-nous aux personnes précaires, de tous les âges : des sans domicile fixe (SDF), des sans-papiers, des mineurs isolés, des femmes seules avec ou sans enfants, liste non exhaustive... Elles et ils fréquentent en nombre les bibliothèques à Paris. Pourquoi ? Parce qu'elles y trouvent un lieu gratuit où elles peuvent aller sur internet, pas pour y jouer, mais pour y réaliser notamment diverses démarches administratives, pour chercher un lieu où manger, où dormir.

 

Comme les services d'urgence des hôpitaux, les bibliothèques de Paris font partie des derniers services publics où ces personnes trouvent un moment de paix, un moment d'écoute, même silencieuse. De plus, les bibliothèques de Paris ont aussi la mission d'aller vers ces publics dit « éloignés », selon le jargon administratif. La campagne de vaccination contre le Covid-19 a jusqu'à présent laissé au bord de la route ces personnes. « Force est de constater que la carte du décrochage vaccinal est aujourd’hui un quasi-décalque de la carte des inégalités socioéconomiques », soulignait le président (socialiste) du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, dans un entretien au journal Le Monde. N'en est-il pas de même à Paris ?

 

Beaucoup de personnes précaires n'ont même pas un compte AMELI, seul moyen de télécharger le précieux passe sanitaire. Se contenter de leur indiquer « des adresses » d'associations qui pourraient les aider ne suffit pas, c'est même dans la plupart des cas un pansement sur une jambe de bois. Non pas que ces associations soient incompétentes, bien au contraire, mais que la confiance est à construire. Une personne à la rue lutte heure après heure pour sa survie, mais également pour garder sa dignité. C'est un travail de patience, d'écoute, de présence, à long et moyen terme qu'il est nécessaire d'engager avec elle. La confiance ne se décrète pas, elle se construit. L'instauration brutale de l'obligation de présenter un passe sanitaire valide pour entrer dans une bibliothèque de la ville de Paris, c'est retirer encore un peu plus de dignité aux personnes à la rue et aux citoyens les plus précaires.

 

Voici un exemple de la fracture numérique, même en plein Paris, pourtant ville Capitale si bien connectée : « Peu de personnes sans domicile fixe disposent d’un smartphone pour prendre rendez vous en ligne ou conserver un code QR » témoigne Guillemette Soucachet, de Médecins du monde Île-de-France. D'autre part, une défiance plus grande des classes populaires existe vis-à-vis des vaccins, une hostilité qui « prend racine dans les expériences de discriminations face au système de santé, qu’on a soi-même vécues ou que des proches ont vécues » analyse la sociologue Nathalie Bajos.

 

 

 

 

Dramatiquement, les populations les plus défavorisées — qui sont donc le moins vaccinées — sont aussi les plus touchées par le Covid-19, montraient des chercheuses de l’Institut national d’études démographiques (Ined) en 2020. Dès le 1er août prochain, les personnes à la rue non vaccinées n'ont plus accès aux structures médico-sociales — accueils de jour, hôpitaux — qui les accompagnaient jusqu’alors, plus d'accès également aux cafés où elles pouvaient y prendre une boisson chaude et réaliser une toilette sommaire dans un lavabo. Depuis le 21 juillet, les portes des bibliothèques de Paris sont aussi fermées à ces personnes. Pourquoi les priver aussi de ce service public essentiel : la culture ?

 

Dès la rentrée scolaire prochaine, (sauf si cette décision est invalidée entre-temps, notamment par le Conseil Constitutionnel), si un cas positif au Covid-19 est détecté dans une classe, dès onze ans les enfants non totalement vaccinés avec deux doses seront renvoyés chez eux, précisément exclus de leur école pour dix jours. Le gouvernement précise qu'ils pourront suivre leurs cours à distance. Vu les nombreux facteurs, comme la surcharge de travail des enseignants, les logements exigus, la fracture numérique, l'impossibilité de trouver un endroit calme, serein et connecté pour travailler, ces jeunes seront tout simplement à la rue et livrés à eux-même durant la journée. Pourquoi ? Parce qu'ils auront aussi l'interdiction d'entrer dans les bibliothèques de la Capitale, cela dès le 30 septembre prochain. Ce sera pour ces enfants le décrochage scolaire assuré, mais ne pouvons-nous pas encore l'éviter ?

 

Dans ce contexte, la mise en place brutale du passe sanitaire inflige une double peine aux personnes les plus précaires, et notamment aux plus jeunes, aux enfants. Pour rappel, la France a franchi la barre des dix millions de pauvres en 2020, selon les chiffres de l'INSEE. La pauvreté augmente de manière alarmante sur l'ensemble du pays, y compris à Paris. Le 20 novembre 2021 est la journée internationale des droits de l'enfant. Dans les activités, animations proposées, les bibliothécaires devront-ils exclure les enfants et adolescents non totalement vaccinés ? Continuer ainsi de leur fermer les portes des bibliothèques de la ville de Paris ?

 

Maintenant, demandons-nous : qui est chargé du contrôle de ce passe sanitaire à l'entrée des bibliothèques de Paris ? Ce sont les bibliothécaires. La question n'est plus de savoir si elles ou ils sont habilités à exercer ce contrôle, contrôle qui exige aussi de l'usager de décliner son identité, comme face à la police. Mais la question est de savoir si cette nouvelle obligation n'est pas une confusion des rôles, précisément une rupture profonde de la confiance entre l'usager et le bibliothécaire ? Des incidents graves ont déjà eu lieu à Paris. Peut-être vont-ils se multiplier ou non ? Porter plainte, en cas d'agression est légitime. Mais dans cette situation, n'est-ce pas le délit qui est provoqué par l'obligation de « décliner son identité », en plus de montrer son passe sanitaire ? Malgré eux, les bibliothécaires parisiens se retrouvent dans un rôle qui attise les tensions, alors que leur métier n'est-il pas de porter la culture ? La vocation d'un bibliothécaire, d'un médiateur culturel ou scientifique n'est pas « surveiller et punir » pour paraphraser Michel Foucault.

 

L'urgence reste la vaccination volontaire de toutes et de tous, le médiateur, le bibliothécaire à travers son métier a la légitimité de provoquer le dialogue pour casser les fake news, cela in situ et hors les murs de nos bibliothèques. Pourquoi l'obliger à abandonner ce rôle, en le transformant en contrôleur de passe sanitaire et d'identité ? D'autres villes comme Rouen ont fait un autre choix, comme limiter l'accès de toutes leurs bibliothèques à une jauge de moins de cinquante personnes. Aucun « incident » avec un usager n'y a été constaté en lien avec le passe sanitaire, le travail d'action culturelle, l’accueil des publics les plus précaires s'y poursuit sans conflits notables.

 

A Paris, pourquoi le dialogue, si cher pourtant à la mandature actuelle, n'a-t-il pas été enclenché par la municipalité, aussi bien avec la population qu'avec les bibliothécaires ? Le bibliothécaire n'est pas un extra-terrestre, mais un acteur de la Cité, un médiateur qui amène vers l'Agora. Préférons-nous baisser les bras et laisser notre place aux complotistes qui pullulent sur le Web ? Puisque qu'à ces publics dit précaires, les portes des bibliothèques parisiennes et d'ailleurs malheureusement leur ont été fermées avec brutalité. Il est urgent de poser la controverse de l'obligation du passe sanitaire dans les bibliothèques sur la place publique, d'organiser le débat pour prendre ensemble et démocratiquement les décisions nécessaires et justes. Plutôt que porter plainte, portons la culture ! »

 

 

 

 

 

Sources pour rédiger cet article : Journal Le Monde, INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), INDED (Institut national d'étude de la démographie), ARS (Agence Régional de santé Île de France), ATD Quart-Monde, Médecin du Monde, Direction culturelle de la ville de Rouen, Site officiel de la Ville de Paris, Le journal « Reporterre Le quotidien de l'écologie » ( ce n'est pas un site complotiste!)

 

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2 juin 2017 5 02 /06 /juin /2017 18:41

 

Avec le concept de « troisième lieu », il s’agirait de rendre les bibliothèques plus accueillantes. Pour les auteurs de cette tribune c'est au contraire « une arnaque inspirée du marketing » et où « moins de livres » c'est surtout « plus de vide »

 

De quoi la « bibliothèque troisième lieu » est-elle le nom ? En fait, personne ne le sait vraiment... Ainsi les bibliothécaires de Grenoble se souviennent d’une réunion de « concertation » houleuse à la bibliothèque Alliance, où un bureaucrate de la mairie avait sorti le concept d’un chapeau, sans le maîtriser ni être capable de l’expliquer. Ce n’est pas une exception : la « bibliothèque troisième lieu, c’est le truc à la mode chez les managers des biblis.

 

En fait, l’idée de « troisième lieu » ou « tiers lieu » vient d’un livre de Ray Oldenburg, un sociologue américain. Il a été popularisé en France par Mathilde Servet, une « catégorie A » de la fonction publique (une cheffe quoi), qui en a fait son mémoire de fin d’études à l’ENSSIB (Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques).

 

Depuis, tout le monde emploie le concept comme formule magique pour dépoussiérer cette pauvre vieille institution des bibliothèques... Problème : le livre d’Oldenburg n’est même pas traduit en français et personne ne semble avoir lu le mémoire de Servet (et ce n’est pas son allocution de 10 minutes chrono à Minatec en 2016 sur le thème des « bibliothèques du futur » qui a pu éclairer qui que ce soit). Autrement dit : on parle - et on transforme les biblis - sur du vide. La bibliothèque troisième lieu c’est avant tout une mode.

 

C’est moins de livres, plus de... vide. Justement, un des points importants dans le concept de « bibliothèque troisième lieu », c’est qu’il faut faire de la place. Les livres, c’est trop encombrant, voire oppressant. Une bonne connexion internet serait tout de même beaucoup plus adéquate. Il faut virer toutes ces sales étagères remplies de papier pour finir de mettre tout le monde devant des écrans. Car la bibliothèque troisième lieu, c’est le tapis rouge pour assassiner le livre au profit des technologies numériques. Ainsi, on considère que des dictionnaires ou des abonnements à des journaux ne servent à rien et coûtent trop cher, mais on est prêt à mettre des milliers d’euros dans la construction de « fablabs » (des laboratoires de fabrication sous perfusion numérique) dans les bibliothèques.

 

De quoi la « bibliothèque troisième lieu » est-elle le nom ?

C’est une arnaque inspirée du marketing. « Rendre les espaces attractifs », « innover », « diversifier les usages »... on peut bien parler d’un hall de gare, d’un supermarché ou d’une bibliothèque, ce sont les mêmes concepts de vente qui sont à l’oeuvre. Tout doit glisser, être fluide et facile, ne pas demander trop de réflexion. L’inverse de la lecture ? Peu importe ! La disposition des étagères, le nombre de livres, les têtes de gondoles, la circulation dans l’espace... : les nouvelles bibliothèques se construisent en fonction de critères dictés par le marketing. On répète d’ailleurs dans les formations de bibliothécaires qu’il faut passer de « la logique de l’offre à la logique de la demande ». Les bibliothèques n’ont pourtant rien à vendre, pas même une « ambiance » comme l’affirment certain.e.s, et les usagers ne veulent probablement pas qu’on les considère comme des pigeons à plumer. La bibliothèque troisième lieu c’est prendre les usager-e-s pour des con-ne-s.

 

C’est une méthode de management. Ces logiques néolibérales à l’œuvre dans tous les services publics ont toutes en commun une autre idée force : il faut virer les fonctionnaires, et à défaut les pousser à bout avec des méthodes d’encadrement absurdes. La « bibliothèque troisième lieu », c’est par exemple une plus grande amplitude horaire... avec moins de personnel. Et puisque tous ces livres et leur classement sont devenus inutiles, la bibliothécaire devient « infothécaire » ou mieux, « médiatrice numérique » : elle passe sa journée devant un écran à se décérébrer sur internet pour réaliser des « expositions virtuelles » ou alimenter un compte Facebook. La bibliothèque troisième lieu c’est la destruction du métier de bibliothécaire.

 

C’est un service public... privé. Sortez les kleenex : si on démantèle des bibliothèques, c’est-à-cause-de-la-baisse-des-dotations-de-l’Etat, c’est à cause que y’a plus de sous dans les caisses (mais ça dépend lesquelles, on va le voir). On ne peut pas faire autrement. Par contre, ce que certain.e.s peuvent vous conseiller pour faire tourner votre bibliothèque troisième lieu avec moins de personnel, moins de livres et moins de thunes c’est de « créer des partenariats innovants » : mécénat, fonds privés, soyez créatifs que diable ! Un coin « Dassault News » pour les magazines, un « Salon Google » pour les mercredi après-midis de folie devant un écran... avec le risque que le service ferme le jour où un patron quelconque veut aller s’amuser ailleurs. Nous n’avons donc pas affaire à une idée sympathique, un peu farfelue, pour améliorer les bibliothèques. La bibliothèque troisième lieu, c’est la destruction de la lecture publique par les logiques marchandes.

 

Ce texte a été publié à l'origine sur le site Indymédia

 

Le troisième lieu ?

Le troisième lieu ?

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21 décembre 2016 3 21 /12 /décembre /2016 08:00

 

« Je fais ce métier depuis onze ans et aujourd'hui, j’aimerais pouvoir l'exercer correctement » déplore ce bibliothécaire parisien

 

J’ai 54 ans et je travaille dans le réseau des bibliothèques de la ville de Paris depuis 2005. Je suis entré en tant que contrat aidé, c’est-à-dire par la toute petite porte. J’ai eu ce statut pendant deux ans, puis j’ai été intégré en tant que titulaire après avoir réussi un recrutement sans concours, avec lettre de motivation puis passage devant un jury de professionnels.

 

Auparavant, j’avais travaillé pendant dix ans comme disquaire dans une enseigne bien connue de la grande distribution, puis en tant que correcteur et secrétaire de rédaction dans l’édition et dans la presse spécialisées dans la musique pendant également dix ans. Les raisons pour lesquelles j’ai orienté ma carrière professionnelle dans cette direction sont donc évidentes : j’ai toujours travaillé dans la branche « culture ». Ce que j’ai pu observer dans la pratique de ce métier – que j’aime, je tiens à le préciser – depuis que je l’exerce au sein de la ville de Paris, c’est qu’on nous demande de plus en plus de disponibilité et de capacité d’adaptation (travail le dimanche, amplitude horaire, formation à de nouveaux outils informatiques, à de nouvelles technologies, comme pour les bibliothèques numériques, entre autres, etc.) sans que les moyens et les salaires suivent.

 

À Paris de grands complexes s’ouvrent – notamment les nouvelles « grandes bibliothèques » comme Marguerite Yourcenar (XVe), Marguerite Duras (XXe), La Canopée (Ier), Françoise Sagan (Xe), ouvertes le dimanche et munies d’un parc informatique très conséquent mis à la disposition des usagers –, mais les moyens mis à la disposition des personnels travaillant dans ces « usines » culturelles ne suivent pas. Les primes ne sont pas réellement motivantes, quand elles ne sont pas inexistantes, les postes qui doivent être créés pour travailler dans de bonnes conditions ne le sont pas. Je parle de « parc informatique » c’est qu’il y a de plus en plus une réelle demande du public (et pas que celui ne possédant pas d'ordinateur à la maison) pour l’accès, voire la formation à l’internet et l’outil informatique. Mais cela représente des tâches en plus pour nous, en ne parlant que de cet aspect du métier. Car il y en a d'autres : comme la gestion des problèmes humains, pas des moindres.

 

En effet, nous sommes les seuls endroits ouverts à tous les publics, et ce, gratuitement. Ces publics sont très en demande et pas toujours faciles à contenter. D’autre part, le public a souvent contact avec les personnels dans un cadre d’accueil, ce que nous appelons le service public, mais notre métier est très « multitâches » en fait, et c’est qui ce qui fait beaucoup de son attrait. Mais du fait du changement et de l'évolution du métier le temps imparti pour faire ce travail interne – dans les bureaux, en dehors du service public donc – s'amenuise et on se retrouve à traiter plusieurs « tâches » en même temps. Ce qui implique du stress. En plus des autres problèmes à gérer. Les réels problèmes sont les restrictions budgétaires, et, de fait, la diminution des effectifs, et la dégradation des conditions de travail.

 

Malgré de nombreuses demandes d'augmentation des primes (depuis 20 ans la filière « culture » tient réellement le rôle de la laissée-pour-compte de la ville de Paris au niveau des primes) et des mesures pour améliorer nos conditions de travail, la Mairie de Paris continue de faire la sourde oreille. Mais elle veut imposer l'ouverture de sept nouvelles bibliothèques le dimanche sans donner de réels moyens aux établissements pour le faire dans des conditions « normales », c'est-à-dire avec des effectifs suffisants pour accueillir le public.

 

Par exemple, la bibliothèque Hélène Berr (XIIe) doit ouvrir avec une équipe en réalité restreinte, car le personnel ne pourra pas prendre de pause du tout le dimanche entre l'heure d'ouverture et celle de la fermeture : c'est totalement inacceptable. Des créations de postes pour l'ouverture des dimanches (au minimum) et une augmentation réelle et significative des primes pour que la Direction des affaires culturelles soit réajustée à toutes les autres directions de la ville de Paris. L'ouverture du dimanche est déjà en soi discutable, mais au moins le faire dans des conditions décentes...

 

Il faut que la Mairie de Paris entende ces personnels et engage un vrai processus de changement qui va avec l'évolution du métier. Mais la direction est apparemment fermée à tout dialogue. On a l'impression qu'il s'agit pour eux d'ouvrir de belles et grandes bibliothèques « vitrines » du grand et beau Paris sans mettre les moyens pour que les gens qui y travaillent fassent leur métier dans de bonnes conditions.

 

 

                                    Light's out dans les bibliothèques parisiennes

Je suis bibliothécaire et je refuse de travailler dans une « usine » culturelle
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20 décembre 2014 6 20 /12 /décembre /2014 08:08

 

Il est vrai qu'au sujet des conservatoire municipaux parisiens, Bruno Julliard dit vraiment n'importe quoi. C'est même un rapport officiel qui le confirme.

 

Un récent article du Monde sur la réforme des conservatoires parisiens a mis en émoi de nombreux enseignants et musiciens et personnels du secteur. Nous publions la réponse d’un professionnel, de la question aux propos tenus par Bruno Julliard, l’adjoint au maire de Paris en charge (entre autre) de la culture. Il est vrai que sur ce sujet, Bruno Julliard a dit n'importe quoi. Et ce n'est pas nous qui le disont mais rien moins.... qu'un rapport de l'inspection générale de la Ville de Paris. Cette tribune, signée par Gérard Ganvert*, et publiée à l'origine par La lettre du musicien, va nous expliquer pourquoi (par contre les illustrations et les légendes sont uniquement de nous). Alors pour en savoir plus sur les conservatoires de la capitale, ouvrons grandes nos oreilles.


 

             FIAC-2012--Bruno-Juliard20121021 Photo-Christophe-Noel-FMAC

                             - Je crois que je vais avoir bientôt les miennes qui vont siffler...



 

Dans un article intitulé « Conservateurs les conservatoires ? La Ville de Paris veut réformer » (Le Monde du 17 novembre), le premier adjoint et adjoint à la culture de Paris réitère ses anciennes velléités de réforme des dix-huit conservatoires de la Ville de Paris, qui sont des écoles spécialisées comme les quatre mille autres conservatoires français – conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique.


En 2013 déjà, derrière la diligente mise en œuvre de la réforme des rythmes éducatifs par la capitale, l’adjoint à la culture avait tenté un premier essai rampant de mutation forcée de ces (ses) écoles d’enseignement artistique (1). Résultat : pour la première fois de leur longue histoire (2), l’ensemble des conservatoires parisiens avaient déclenché deux journées – exceptionnelles – de grève, les 20 mars et 12 juin 2013 (lire ici).
   Dans ce même article, on peut lire qu’une certaine confusion, devenue traditionnelle(3), persiste chez les politiques entre ces établissements – encore une fois « spécialisés » (des écoles) – et des centres d’animation (4).


De fait, on peut se demander quelles compétences ces politiques possèdent en matière de pédagogie musicale, de pédagogie chorégraphique ou de pédagogie de l’art dramatique. D’autant que la Ville vient de recruter – souvent sur simples dossiers adressés aux directeurs – des animateurs (et/ou des élèves !) non ou insuffisamment diplômés, alors qu’elle demande des surqualifications à ses professeurs de conservatoires (exigence de diplômes spécialisés), recrutés par concours.


 

                                                 Bruno Jullliard a les conservatoires en travers de la gorge

 

                  14.02-Bruno-Julliard-930620

                                                           -  Et même jusque là ! 



Ainsi, depuis la fin des années 1970, époque de la municipalisation progressive de la culture en France, l’argumentation avancée se trouve, hélas, toujours la même : d’abord, les conservatoires coûtent toujours beaucoup trop cher (par rapport à quoi, s’agissant d’un investissement culturel et social ?) ; ensuite, ils touchent toujours beaucoup trop peu de monde (par rapport au supposé nombre d’électeurs-clients des élus qui pensent surtout à leur réélection).               

 

Quatre assertions sont relayées dans l’article du Monde : Première assertion. Forts de 20 000 jeunes – et moins jeunes – Parisiens, ces établissements seraient « majoritairement fréquentés par des élèves issus de catégories sociales favorisées » (surreprésentation des quotients familiaux [QF] 7 et 8). C’est tout simplement faux ! Il suffit de lire les pages 15 et 16 du Rapport définitif – Synthèse de l’audit des conservatoires municipaux d’arrondissement, n° 08-24, août 2010, 92 p., réalisé par l’inspection générale de la Mairie de Paris : « Depuis l’instauration des quotients familiaux en 2006, on constate une augmentation des familles aux revenus les plus bas (le QF 1 passe de 4,7 % en 2005-2006 à 5,6 % en 2008-2009) » ; « l’absence de plafond pour le QF 8 […] regroupe ainsi des familles ayant des revenus fortement dispersés » 

 

Deuxième assertion. A cette pseudo-homogénéité sociologique, s’ajouterait « une défaillance du service public d’éducation musicale » liée à un recrutement « très sélectif et très jeune » et « au caractère normé de l’enseignement ». De tels propos, insultants pour tous les personnels enseignants et administratifs, sont quelque peu démagogiques et également faux ! Le rapport cité ci-dessus précise en effet que « les objectifs de la municipalisation ont été atteints » (p. 22), notamment « l’égalité d’accès pour tous et la mixité sociale » : ce dernier objectif « s’est concrétisé dans l’harmonisation des tarifs d’un conservatoire à l’autre avec le vote dès 2006 par le Conseil de Paris d’une grille tarifaire […] d’un montant très attractif par rapport aux tarifs pratiqués par les structures d’enseignement artistique semblables. » (pour voir le rapport de l'inspection, cliquez là)



                                                    La Mairie de Paris en route vers la mixité sociale

 

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                              - Bon mon Bruno, tu commences par les conservatoires...

                                               - Je vais d'abord leur tailler un costard


 

Troisième assertion. Pour réformer, l’adjoint à la culture de Paris voudrait :
• soit retarder « un peu » l’âge d’inscription dans les conservatoires. Cette solution est inefficace (elle a déjà été testée sans succès par d’autres collectivités) et dangereuse, car nihiliste sur le plan psychopédagogique : tout pédagogue, particulièrement dans le domaine artistique, sait que l’apprentissage précoce est fondamental dans la formation de l’enfant ;
• soit multiplier « les passerelles » entre l’école élémentaire et les conservatoires, à partir de l’initiation musicale réalisée dans le cadre de l’aménagement des rythmes scolaires. C’est là une solution confuse et totalement irréaliste sans davantage de moyens, puisque, aujourd’hui, il manque déjà des places pour accueillir tous les candidats à l’entrée directe en conservatoire.

 

Quatrième assertion. L’adjoint à la culture et son directeur des affaires culturelles découvrent :
• que « le maintien de l’exigence n’est pas contradictoire avec la notion de plaisir » !
• que seul 1 % des élèves des conservatoires municipaux deviennent des professionnels. Là aussi, l’argument est fallacieux et contradictoire avec les propos antérieurs ! Il n’existe aucune source connue de ce pourcentage. Mais, si oui, cela voudrait dire que 200 élèves parisiens deviendraient, chaque année, des artistes professionnels et pourraient donc entrer sur le marché du travail musical, chorégraphique ou théâtral : mais c’est un très beau résultat !

• qu’« une partie des conservatoires porte bien leur nom (sic) ». Il faudrait que les élus sachent combien les professeurs de musique, de danse, d’art dramatique sont fiers d’appartenir à un « conservatoire », lieu de tradition et de transmission du savoir-faire (l’art et la technique) ! Comme l’artisan transmet à son compagnon, et cela, même si les techniques évoluent ! Sans ces « maîtres » de la transmission, la création s’étiolera, car elle n’aura plus ni source ni repères : alors, les « amateurs » – au premier sens du terme – seront eux-mêmes incompétents, car non éduqués et sans jugement possible.



                                                         Conservatoires : Bruno Julliard s'est pris un vent

 

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                                                           - Je crois même que c'est un instrument à vent

 

                     
Cet article s’est donc gratuitement fait l’écho de propositions funestes, à terme, pour les dix-huit établissements parisiens et leurs personnels artistes. Les propos qu’il relate, non « sourcés » ni sur le plan politique ni sur le plan journalistique, attestent, de la part d’un responsable politique chargé de faire rayonner la culture d’une grande capitale comme Paris, d’un manque de respect et de considération, d’une méconnaissance du travail et des conditions de travail de toutes celles et tous ceux qui s’investissent et œuvrent depuis bien longtemps pour satisfaire un public en demande d’un enseignement artistique spécialisé de qualité.                    
                   


* Gérard Ganvert, musicien, musicologue et essayiste, est professeur de conservatoire à Paris (depuis 1976) et représentant élu des professeurs du conservatoire Gustave-Charpentier du 18e arrondissement. Il a notamment publié L’Enseignement de la musique en France, Situation – Problèmes – Réflexions (L’Harmattan, 1999).

 


1 Voir « Paris reporte la réforme de ses conservatoires » in LM 431.
2 Les premiers cours municipaux de musique parisiens voient le jour en 1900 (dans le 18e arrondissement).
3 Lire ou relire l’article de l’auteur (in l’édition électronique de L’Education musicale, juillet 2014) : “La confusion de certains décideurs politiques à l’égard des écoles et conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique”
4 Relire l’essai incontournable La Crise de la culture de Hannah Arendt, Gallimard, coll. Folio, 1972.

 

 

 

                                           Conservatoires : Le disque préféré de l'adjoint à la culture

 

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19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 14:24

 

« Nous vous prions, Madame, de répondre, et s'il vous est possible, de sortir du silence sans manier la langue de bois » écrivent-ils dans une lettre incendiaire.

 

Les relations sociales se tendent à la Ville de Paris en cette période électorale. Après les agents des équipements sportifs et les personnels des bibliothèques, c’est au tour des professeurs des cours du soir pour adulte de dénoncer leur situation dans une lettre ouverte. Pour ces enseignants, malgré les promesses faites, les relations sociales à la Ville de Paris, sont assez mergitur comme nous le rappelions ici.

 

C’est pourquoi le collectif pour la contractualisation des professeurs de CMA vient d’adresser une lettre ouverture à Anne Hidalgo, favorite au fauteuil de maire de Paris, mais aussi première adjointe dans la municipalité sortante. La charge est lourde pour l’ancienne inspectrice du travail puisque celle-ci est interpellée « sur l'illégalité, en matière de droit du travail, des pratiques de la mairie de Paris » et lui demande de répondre « s'il vous est possible sans manier la langue de bois » pas moins. La voici dans son intégralité.

 

   

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                                                       - J'espère que tu vas répondre !

 

 

« Madame, Le collectif pour la contractualisation des professeurs des Cours Municipaux d'Adultes (CMA) vous interpelle aujourd'hui sur l'illégalité, en matière de droit du travail, des pratiques de la mairie de Paris, car la situation, dénoncée depuis longtemps tant par le personnel que par ses représentants syndicaux et parfaitement connue des responsables administratifs et politiques, devient d'autant plus insupportable qu'elle aurait dû changer par application de la loi n°2012-347 du 12 mars 2012.

 

Bertrand Delanoë ne manque pas de mettre en avant ses actions de déprécarisation. Il  oublie de mentionner que le nombre annuel des « précaires nouveaux » dépasse certainement le nombre des « déprécarisés ». La CGT, après un recensement, estime à plus de 15 000 le nombre de faux vacataires à la mairie de Paris.

 

Certes, avant l'arrivée de l'équipe socialiste, les communiqués auto-satisfaits sur le sujet n'existaient pas : rien n'était prévu pour les milliers de faux vacataires, ces employés qui assurent des missions permanentes mais que la ville embauche abusivement à la vacation – modalité d'emploi légale seulement lorsqu'elle concerne une mission ponctuelle, limitée dans le temps. Comme on nous l'avait déclaré à l'époque, à l'accueil du service des ressources humaines de l'Hôtel de Ville : « Les vacataires n'ont aucune perspective de carrière ». La rime intérieure n'adoucissait pas l'amertume, mais la phrase avait le mérite d'être claire.

 

 

                         Paris:  Avant Delaoë, les communiqués auto-satisfaits n'existaient pas

 

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                                                                  - Jean, mais pourquoi tu m'as rien dit !

 

 

Aujourd'hui, les choses ont changé : on déprécarise a minima (Danielle Simonnet, sur son blog, avance le chiffre de 6%) parallèlement à des embauches toujours massives de vacataires. Combien de faux vacataires ont été recrutés pour mettre en œuvre la réforme des rythmes scolaires ? Tout Parisien fréquentant les bibliothèques municipales peut lire ces affiches-offres d'emploi : « la Mairie recrute des vacataires ».

 

Il s'agit, par exemple, d'animateurs ou de surveillants de cantine. C'est bien connu, les enfants mangent un mois à la cantine, puis ne mangent plus ; la surveillance de la cantine est donc une mission temporaire. De qui se moquent les services municipaux des ressources humaines ? D'une grande partie de leurs employés, chargés d'assurer des services continus et pérennes, dont la ville par ailleurs se plaît à faire la publicité.

 

La Direction des Affaires Scolaires (Dasco) est une des directions parisiennes les plus friandes de faux vacataires. Et pourquoi diable cela changerait-il quand les élus en place, en dix ans, n'ont pas remis en cause cette pratique ? La distorsion est d'ailleurs incontestée, entre ce que la mairie définit comme emploi vacataire, sur son site officiel, et les emplois vacataires effectifs. L'illégalité est devenue criante, insupportable, avec l'entrée en vigueur de la  loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, que la mairie de Paris se refuse à appliquer à certaines catégories d'employés, tout particulièrement à ceux qui ont un « petit temps ».

 

C'est le cas pour les professeurs des CMA. Cette institution dispense des cours du soir aux Parisiens depuis le XIXe siècle. C'est dire si la mission est provisoire... Selon les chiffres de la Dasco, sur les 850 professeurs qui forment annuellement 30 000 auditeurs, 500 ne sont pas titulaires de la fonction publique, et sont donc concernés par l'embauche contractuelle.

 

 

                                                 CMA: une institution qui dure depuis le XIXe siècle                              

 

                A-Paris-la-menace-d-un-vote-sanction-pese-sur-Anne-Hidalgo

                                         -  Un provisoire qui dure, c'est pas pour mon ballon qu'on dirait ça !

 

 

Pourtant, en 2007, une trentaine de professeurs seulement ont été contractualisés, sans tenir compte de l'ancienneté. Quant aux 470 collègues restants, dont certains enseignent depuis 20 ou 30 ans, ils n'ont pu que constater les inégalités nouvelles : heures de réunion rémunérées pour les uns, pas pour les autres, heures supprimées pour maintenir en-deçà du seuil (arbitrairement fixé) pour une contractualisation... La médecine du travail ? Le droit individuel à la formation ? Les congés payés ? Pour les faux vacataires, cela n'existe pas.

 

L'indemnité chômage pour compenser l'absence de congés payés l'été ? Ceux qui ont eu l'occasion de demander leur indemnisation au fameux bureau des pensions de la rue Audubon savent la propension de ce service, qui est en passe de devenir à lui seul une légende urbaine, à égarer des dossiers confectionnés à l'aide de dizaines de documents, à notifier des refus immotivés, bref à dissuader quiconque de réitérer une demande.

 

Malgré cette absence de droit, les exigences vis-à-vis des professeurs, depuis 2007, se sont accrues. Le professeur précaire devra ainsi en fin de session se faire évaluer par ses auditeurs, à qui sont posées des questions aussi pertinentes que, par exemple : « Le professeur corrige-t-il les exercices qu'il donne ? » Non, bien sûr, le professeur fait les pieds au mur. Sans doute les lois de la récente « démarche qualité », qui ne nous épargne pas de petite humiliation. Telle est la situation des enseignants. On conviendra qu'ils ne sont guère valorisés.

 

Aux professeurs qui se rendent à leur travail, à 18h30, depuis 20 ans, pour former les Parisiens, et que vous laissez sans contrat de travail, quel message adresserez-vous, Madame? Les enseignants des CMA qui ont demandé par courrier, en 2012, puis une nouvelle fois en 2013, leur requalification en CDI par application de la loi, se sont vu opposer non pas un refus écrit, mais un silence complet. Cela s'appelle du mépris.

 

Mépriser des personnels au point de ne pas répondre à une demande de régularisation qui constitue un tel enjeu pour leur situation professionnelle et personnelle, est indigne de responsables administratifs ou politiques. Le collectif des professeurs, soutenu par le syndicat UNSA, vous a écrit le 19 avril 2012. La lettre reste en ligne sur leur blog. Elle n'a pas reçu de réponse. Ainsi en va-t-il de tous les courriers envoyés aux différents niveaux du millefeuille des ressources humaines. A chaque niveau trône, on peut l'imaginer, une corbeille broyeuse dédiée aux recommandés.

 

 

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                                              -  Z'avez pas vu ma broyeuse ? Mon bureau est tout encombré !

 

 

Nous avons cru que nos démarches aboutiraient : les Verts ont fait pour nous un vœu au Conseil de Paris (8,9,10 juillet 2013). Nous avons rencontré l'élue en charge de la Vie scolaire, madame Colombe Brossel, le 1er juillet 2013, qui nous a promis pour 2014 l'élaboration d'un règlement d'emploi, et pour la fin 2013, 50 contrats équivalents temps plein, devant concerner 200 professeurs.

 

Promesse non tenue : les ressources humaines n'ont pas daigné contractualiser les professeurs en 2013, inversant ce calendrier. Le règlement d'emploi est bien en cours d'élaboration, mais aucun contrat n'a été proposé. Les calendes grecques sont certainement la date envisagée.

 

Après tant de vaines démarches, nous faut-il vraiment attendre quoi que ce soit de votre équipe ou chaque professeur devra-t-il aller devant le tribunal réclamer l'application de la loi ?

 

Nous vous prions, Madame, de répondre, s'il vous est possible de sortir du silence sans manier la langue de bois. Vous engagez-vous, une fois élue, à contractualiser les professeurs des Cours Municipaux d'Adultes ? Et, plus généralement, que ferez-vous pour la contractualisation de la dizaine de milliers de faux vacataires de la ville de Paris ? »

 

Par le collectif pour la contractualisation des professeurs de CMA

 

Publié également sur " Miroir Social "

 

 

 

                         Anne hidalgo sortira-t-elle de son silence sans langue de bois ?

 

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                                                    - Oh, j'utiliserais juste ça !

 

 

 

 

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18 mars 2014 2 18 /03 /mars /2014 13:53

 

Un collectif s’insurge contre cette attaque pour l’accès à la culture (et à la lecture) pour les enfants dans les bibliothèques


Par le collectif SavoirsCom1

   

La SACD veut faire payer les heures du conte en bibliothèque ! Protégeons cet usage collectif de la culture !   

Partout en France, les bibliothèques de lecture publique organisent des « heures du conte », au cours desquelles des ouvrages sont lus en groupe à des enfants. Ces animations sont très courantes dans les bibliothèques et elles participent à l’éveil du goût pour la lecture chez les plus jeunes. Jusqu’à présent, cette pratique est restée libre, bien que ces lectures publiques puissent être assimilées à des représentations en public d’oeuvres protégées. 

Mais comme on peut le lire sur le forum de l’Association des Bibliothécaires de France, plusieurs établissements ont récemment reçu des courriers de la part de la SACD, la société des gestion collective des auteurs dans le domaine du spectacle vivant. Cet organisme réclame visiblement que les bibliothèques déclarent la tenue de telles animations et la liste des livres utilisés, afin de les soumettre à une tarification. Ce faisant, cette société manifeste sa volonté de mettre fin à une tolérance admise depuis des décennies, ce qui fragilise la capacité des bibliothèques à jouer leur rôle de médiation culturelle. Rappelons également que les bibliothécaires promeuvent ainsi et depuis longtemps, une diversité et une richesse éditoriale pour la jeunesse dont la France s’enorgueillit.


Ce ne serait pas la première fois que de telles revendications seraient adressées à des bibliothèques par des représentants des titulaires de droits. En Belgique, à partir de 2012, la société de gestion collective SABAM s’est mise elle-aussi à appliquer des tarifs aux bibliothèques organisant des lectures publiques à destination des enfants, pouvant atteindre 1600 euros par an pour de petits établissements.

 

 

                                          Christophe Girard devra-t-il payer pour lire ?

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                                                            - Oumph, j'ai plus les moyens !

 


Au-delà du principe, c’est le procédé employé par la SACD qui s’avère choquant : ses agents surveillent les sites de bibliothèques pour repérer les annonces de tenue d’une heure du conte et envoyer des courriers aux bibliothèques, sans qu’aucune concertation n’ait eu lieu sur ce sujet. Rappelons également que la SACD ne dispose d’aucun mandat général pour représenter l’intégralité des auteurs. Elle ne peut agir que pour les auteurs membres de la société et n’a aucun droit en dehors de ce périmètre.


Les bibliothèques se sont de tout temps constituées comme des lieux de développement des usages collectifs de la culture, qui font intrinsèquement partie de leur mission de service public. Elles aménagent à côté de la sphère marchande un espace d’usages non-marchands, indispensables pour que la découverte de la lecture puisse s’épanouir.


L’approche maximaliste de la revendication des droits d’auteur qui se déploie depuis des années remet en cause la capacité des bibliothèques à remplir leurs fonctions fondamentales. Les achats de livres effectués par les bibliothèques ainsi que le droit de prêt dont elles s’acquittent annuellement constituent pourtant des contributions importantes au secteur de l’édition jeunesse, en particulier pour les éditeurs indépendants. Les bibliothèques favorisent également la création en faisant intervenir des conteurs professionnels devant les enfants. Et grâce à leur inventivité, la formule de l’heure du conte a aussi été renouvelée ces dernières années, sous la forme de lectures numériques utilisant des tablettes ou des ordinateurs.


 

                   1970 mails

                             - Gasp, la formule de l'heure du conte a encore été renouvelée !



Par son attitude, la SACD remet en cause l’équilibre entre le droit des auteurs et les droits du public dans l’usage de la culture. Même si les paiements restent modiques, les modalités que la SACD entend imposer, autorisation préalable des auteurs et déclarations à la société, auront fatalement pour effet de freiner la mise en place de lectures pour les enfants dans les bibliothèques. Est-ce ainsi que l’on favorisera le goût pour la lecture chez les nouvelles générations, alors qu’il s’agit d’un enjeu fondamental de politique culturelle ?


La SACD devrait comprendre que sa conception maximaliste et déséquilibrée des droits exclusifs ne fait que fragiliser un peu plus la légitimité du droit d’auteur. Ce jusqu’au-boutisme de l’usage conçu comme un « préjudice » ne peut qu’engendrer la réprobation. Les auteurs eux-mêmes sont-ils d’accord avec les revendications que l’on adresse en leur nom ?


SavoirsCom1 appelle les bibliothécaires, mais aussi les parents, les élus locaux, les auteurs, les enseignants, en particulier les professeurs documentalistes, les agences régionales du livre et tous ceux qui accordent de l’importance à la diffusion de la culture à se mobiliser pour protéger les usages collectifs que constituent les heures du conte en bibliothèques.


Lire l’appel de « SavoirsCom1 »

 

 

                              600x800 213307

                                                  -  A 1 600 euros ça devient l'heure du compte !

 

 

 

 

 

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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 08:13

 

Elle aussi, l’appel pour ouvrir les bibliothèques le dimanche et le soir l’a beaucoup énervée

 

Ca faisait longtemps que je n'avais pas pété les plombs en direct, non ? En tous les cas, c'est sûr, c'est la première fois de l'année ... Et quel sujet a donc réussi à me faire sortir de mes gonds aujourd'hui ...? ... je vous le donne Emile ... l’appel de bibliothèques sans Frontières pour ouvrir les bibliothèques le soir ou le dimanche. Voui, je vous le dis tout net, moi, je suis contre !

 

Rien d'étonnant, me direz-vous, je suis une affreuse fonctionnaire privilégiée, qui n'a pas envie de travailler plus pour gagner pareil.

 

Je vais vous faire une confidence : une bibliothécaire, ça ne porte pas forcément des lunettes, une jupe plissée et un cardigan gris, mais ça ne porte pas non plus une robe de bure et une tonsure avec chapelet assorti, en d'autres termes, bibliothécaire, c'est un métier, pas un sacerdoce, un métier que j'adore, mais qui reste un métier, auquel je n'entends pas sacrifier ma famille ...  


Parce qu'ouvrir les bibliothèques le soir et le week-end (vous noterez l'utilisation judicieuse du terme week-end, tellement plus fédérateur que le mot dimanche, qui aurait dû être utilisé ici, puisque l'immense majorité des bibliothèques est déjà ouverte le samedi ... et puis quand on met travail ou ouverture et dimanche dans la même phrase, on pense forcément aux magasins de bricolage, en ce moment), forcément, ça veut dire faire travailler les gens qui sont dedans le soir et le week-end ...  

 


                                  Bibliothèques: Comment faire pour ouvrir le dimanche et le soir ?

                                     roboread

                                                                           -  Just do it  !

 

 

Et que quand on a une famille, finir trois ou quatre soirs par semaine à 19h (et donc regagner ses pénates à 20h bien sonnées) et travailler le samedi jusqu'à 18h (je sais que ce n'est pas le cas partout, mais à Lyon, les bibliothèques sont ouvertes jusqu'à 19h les soirs de semaine et jusqu'à 18h le samedi), cela signifie n'avoir plus que le dimanche à passer avec ses proches (une toute petite journée ensemble, sans réveil strident, sans course contre la montre pour que tout le monde soit prêt à temps, sans cris et énervements parce qu'on va encore être en retard, une journée tous ensemble, libre de toute contrainte extérieure ...) ... et que travailler le dimanche, ce sera la fin de cette journée hebdomadaire en famille ...                  

 

Alors, bien sûr, j'entends déjà les voix s'élever pour dire que les étudiants se bousculeront au portillon pour venir bosser le dimanche et les soirs de semaine dans les bibliothèques ... euh, mais l'argumentaires des pro-ouvertures c'est de dire que les étudiants n'ont pas accès aux bibliothèques les jours de semaine en journée parce qu'ils ont cours ou travaillent ...

 

Et puis, quelles communes auront les moyens de recruter du personnel statutaire et qualifié pour faire ces heures en plus ? Qui (parmi le personnel) aura vraiment le choix de dire s'il est volontaire ou non pour travailler les dimanches et soirées ? Est-ce qu'on ouvrira les bibliothèques avec simplement des automates de prêt et retour (ah, les automates, le bonheur en barre pour tout chef du personnel qui se respecte ...) et des vigies pour surveiller les entrées et sorties ?  


Donc, je résume : les bibliothèques en France ne sont pas assez ouvertes ... je suis plutôt d'accord, mais avant d'ouvrir en nocturne et les dimanches, on pourrait peut-être commencer par ouvrir un peu plus tôt le matin (par exemple, je ne connais aucune bibliothèque qui ouvre ses portes avant 10h ... mais cela ne veut pas dire que le personnel ne commence pas avant, simplement, il y a beaucoup de taches à effectuer avant l'accueil du public, et il y a aussi les accueils de public spécifique, notamment scolaires, qui se font en dehors des horaires d'ouverture au public) ... et réfléchir aux journées continues, mais cela signifie bien sûr embaucher du monde, étant donné qu'en France, il y a des lois accordant aux salariés le droit de manger en milieu de journée..  


              
                                    Ils soutiennent l'appel "ouvrons mieux, avant d'ouvrir plus"

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                                -   N'écoutez pas ces intellectuels germaprotins, madame !

 

 

Mais d'un autre côté, la tendance n'est pas vraiment à l'embauche de personnel supplémentaire et à l'attribution de nouveaux crédits (une des bibliothécaires de la médiathèque que je fréquente avec les enfants me confiait il y a deux jours que le Conseil Général se désengageait totalement de la bibliothèque cette année, aucune subvention attribuée, et qu'il ne leur resterait que le seul budget municipal pour les achats de l'année ...), donc on fait quoi ?  


En fait, pour conclure, je dirais simplement que je suis contre le travail le dimanche, qu'il s'agisse des bibliothèques, des magasins de bricolages ou des supermarchés ... parce qu'ouvrir des magasins et des services le dimanche, c'est forcément faire travailler des gens, et pas que des volontaires, n'en déplaise à ceux qui vivent au pays des Bisounours, et c'est taillader un peu plus dans les liens familiaux et sociaux (déjà mal en point) en désarticulant l'emploi du temps des familles, en ne laissant plus de temps libre et en commun aux gens pour faire autre chose que consommer, encore et toujours consommer ... que ce soit des biens, des services ou de la culture, cela reste de la consommation, en fast-food, en libre-service, à toute heure du jour et de la nuit, partout ... et ça me rend dingue !  


Merci à Laetitia qui m'a transmis les coordonnées d'un article de Livres-Hebdo qui relaie l'initiative d'un groupement de bibliothécaires et d'usagers réunis sous le nom de Socialnecmergitur, et qui a lancé sa propre pétition en réaction à celle dont je vous parlais : Ouvrir mieux les Bibliothèques avant de les ouvrir plus !

 

Et cette fois-ci, je vous invite à signer et à faire circuler !

 

Lire ce billet publié sur « Lud in The Mist »

 

 

 

                                                La pétition de Bibliothèques Sans Frontières a énérvé

                0000430002 500

                                                                      - Et pas qu'un peu !

 

 

 

 

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Bibliothèques : Ouvrir plus ou ouvrir mieux ?

  

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8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 08:49

 

Dans la capitale, maintenant même les poètes ont disparu !

 

La culture, si elle n’est pas bling-bling, est décidément bien malmenée en ce moment à Paris. On connaissait les difficultés rencontrées par les bibliothèques municipales - budget, horaires, effectifs - suffisement décrites ici pour que ce soit utile d’y revenir, ou bien la situation des conservatoirres municipaux. Il y a quelques jours c’était la Maison de l’Europe et d’Orient, librairie spécialisée dans les cultures d’Europe de l’Est, du Caucase et de l’Asie Centrale qui était sur le point de mettre la clé sous la porte avec les abandons successifs des pouvoirs publics, dont la Mairie de Paris. Aujourd'hui, c’est un appel à l’aide qui est lancé par le fondateur du festival Poètes à Paris.

    

Ce festival crée il y a sept ans est lui aussi en péril faute d’aide du ministère de la Culture et maintenant de la Mairie de Paris. Le festival, programmé pour le mois d’octobre, n'avait pourtant besoin que d'une subvention de cinq mille euros pour continuer d'exister. Encore trop pour la municipalité, sans doute. Il est vrai qu’à Paris les crédits affectés à la culture, plusieurs dizaines de millions d’euros sont déjà mangés par les projets les plus couteux – CentQuatre, Gaité Lyrique, Théâtre du Rond-point…. Alors à Paris, même les poètes auront bientôt disparu ? C’est semble-t-il les craintes du fondateur de Poètes à Paris, Yvan Tetelbom, à travers la tribune que nous publions ici.                                        


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Créateurs, artistes, relevons la tête avec fierté !

 

Par Yvan Tetelbom, créateur du festival « Poètes à Paris »

 

J’ai fondé et dirige depuis sept ans, une association Poètes à Paris qui bénéficiait de quelques subventions du ministère de la culture (DRAC) et de la mairie de Paris (DAC) jusqu’en 2012. Seule, la région Ile de France s’opposait sans explications, à ce projet. 

 

Ces subventions dont le total cumulé ne dépassait pas les cinq mille euros me permettaient de faire vivre un événement unique à Paris dont la nature est de faire émerger, découvrir, promouvoir le poète vivant et son langage, à travers des rencontres culturelles et artistiques qui draine un public d’environ mille à mille cinq cent personnes.

 

Cette année, toutes mes demandes ont essuyé un refus malgré mes lettres recommandées réitérées au maire de Paris, à son adjoint à la culture, et mes appels téléphoniques incessants à leurs conseillers ou aux responsables en charge des affaires culturelles dans les différents ministères suivis parfois de rendez vous où j'ai exprimé mes attentes, mes espoirs avec force de conviction argumentée.


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                   Un évenement unique à Paris qui draine un public d’environ 1000 à 1500 personnes

 

 

Mais ces responsables ou plutôt ces robots sans âme ni sentiments de toute évidence formatés par leurs écoles, vous répondent avec un sourire figé, prennent des notes, le regard posé sur leurs feuillets, mais la décision est déjà prise en plus haut lieu.

 

Devant cet abandon « politique » de toutes ambitions culturelles au sommet de l’état, le créateur culturel, l’artiste, c’est à dire celui qui ose, crie, accuse, espère, aime, s’indigne, se révolte, est aujourd’hui démuni, comme livré à lui même entre renoncement et engagement impérieux de poursuivre sa démarche dont il sait qu’elle est nécessaire pas seulement à lui même mais aux autres, à la jeunesse surtout.

 

J’appelle tous les créateurs, les artistes, dont les projets tel le mien, sont désormais malmenés, voire assassinés par l’état, à s’organiser, à relever la tête avec fierté, à faire front commun pour enrayer cette destruction programmée du bien culturel, témoin d’un héritage commun, source de représentation qu’une société a d’elle même, vecteur de cohésion sociale sans lequel un pays mais surtout la France, n’aurait plus d’avenir.

 

Pour tout savoir sur le festival Poètes à Paris, lire ici

 

 

                                              Alors à Paris, même les poètes auront bientôt disparu ?


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                                                   Ah, Paname, c'était toute une époque !

 

 

 

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15 janvier 2013 2 15 /01 /janvier /2013 08:46

 

La RFID dans les bibliothèques : Une technologie plus rapide, plus pratique mais pas moins contraignante.


Par le colectif "Livre de papier"


Après l’installation de la RFID et des bornes de prêt automatique dans les bibliothèques parisiennes, un argumentaire critique contre cette technologie a été diffusé à l’initiative du collectif  “Livre de papier”, composé de lecteurs, bibliothécaires, libraires, traducteurs ou éditeurs. Un article qui, bien que sous un angle différent, est à mettre en regard du bilan fait dans les bibliothèques aussi bien à Paris (lire ici) qu'en Bretagne (lire là). Pour continuer le débat, voici donc le texte dans son intégralité.

 

"L’automatisation du prêt franchit une nouvelle étape avec l’instauration de bornes de prêt automatique, dans les bibliothèques parisiennes. Grâce à ces bornes, finies les files d’attente (encore que…), finies les erreurs humaines (mais vive les bugs !) et finie l’obligation d’être aimable avec celles et ceux qui nous rendent service. Mais terminée aussi la chaleur du contact humain, envolés les conseils sympas des bibliothécaires qui nous renseignent sur nos emprunts, et très bientôt… terminé aussi avec les bibliothécaires, avant que la bibliothèque elle aussi ne ferme ses portes pour rouvrir sur googlebooks.fr ou toute autre plate-forme dont on ne cesse de vanter l’exhaustivité et l’efficacité (sans même parler de sa juteuse rentabilité !).


Le monde qu’on ne cesse de vouloir nous vendre, censé être plus pratique et plus rapide, obéit en réalité à une double volonté : créer de nouveaux marchés (comme lorsqu’une entreprise privée est payée par les pouvoirs publics pour installer du matériel électronique) et réduire la masse salariale (un vigile prendra la place de dix bibliothécaires avec des bornes de prêt efficaces).


Et si pour chaque salarié-e remplacé-e par des machines, la pilule est déjà difficile à avaler, des pans entiers de personnels seront finalement dépossédés des savoir-faire qui les rendait utiles et compétents. Non seulement la machine ne vous fera jamais de sourire, mais c’est ainsi que chaque métier d’aujourd’hui en vient à devenir purement mécanique et répétitif, jusqu’à être vidé de son sens initial : les magasiniers ne sont désormais plus considérés que comme des manutentionnaires au service des machines gestionnaires des livres, et leur connaissance du fonds se perd, tout comme l’ancien savoir-faire des artisans a disparu avec les immenses chaînes de production des usines, véritables bagnes industriels modernes. Plus l’on intègre les savoir-faire professionnels dans des machines, plus les salarié-e-s deviennent remplaçables, c’est-à-dire délocalisables, jetables et donc corvéables à merci.      

 

Enfin, la logique de la numérisation a besoin de chevaux de Troie (telles les bornes de cette bibliothèque ou les puces RFID servant à tracer chaque livre), pour s’insinuer au cœur de la chaîne du livre : les magnats de l’édition électronique (qui sont parfois aussi marchands d’armes) rêvent de profits colossaux grâce à la numérisation intégrale des fonds papier, sans se soucier des éditeurs et libraires, mais aussi correcteurs, imprimeurs, diffuseurs, etc. qu’ils fragiliseront puis démantèleront sans coup férir. Le livre électronique, que les industriels tentent de nous imposer depuis plusieurs années (pour l’instant sans réel succès), vise à transformer le monde de l’écrit en société du zapping numérique généralisé. Il suffit de se rendre au salon du livre pour y voir ces commerciaux en costard vendre leurs e-book comme s’ils étaient au salon de l’auto, tout en faisant croire que les profiteurs sont les éditeurs.

 

                                Elevator-Pitch cr

                                              "  Avec cet e-book, je vous propose un monde parfait ! ........"

 

Pourtant, une partie de ces derniers reste encore vaille que vaille passionnée, attachée à l’objet livre en tant qu’il est créateur de lieux d’échanges et d’espaces collectifs, au premier rang desquels figurent les librairies et les bibliothèques – ces dernières étant fréquentées par une personne sur deux en France en 2006.

 

Ainsi, à l’inverse de la démagogie populiste faisant d’Internet le contrepoint populaire des librairies et bibliothèques élitistes, nous pensons que le livre est au cœur des possibilités d’émancipation collective et d’élévation culturelle : les bibliothèques, véritables lieux de mixité où se croisent des hommes et des femmes de tous âges, de toutes classes et de tous horizons, sont un des derniers outils de diffusion et de réappropriation collective des savoirs, là ou le numérique ne fournit que des contenus vidés de leur sens à des individus isolés devant leurs écrans. « Élitaire pour toutes et tous » pourrait être notre mot d’ordre, puisque nous persistons à préférer les savoirs, potentiellement émancipateurs, aux contenus, bien souvent interchangeables voire abêtissants.


Le mythe libéral de l’accès au savoir égal pour toutes et tous, sur lequel surfe la déferlante numérique, oblitère le fait que nul-le ne peut prétendre n’avoir pas accès à suffisamment de livres (il suffit de se rendre dans la moindre bibliothèque pour se convaincre qu’on n’aura jamais le temps d’en lire assez), alors que la question de la connaissance pose en réalité celle de la transmission, c’est-à-dire de l’éducation à l’écrit, revendiquée par tous les mouvements d’émancipation antérieurs à Internet : le réseau nous apprend en fin de compte davantage à glisser à la surface des idées qu’à les comprendre et à savoir s’en imprégner pour penser par soi-même.


Le Web et le futur livre numérique permettraient d’accéder à tout !? Mais que lira-t-on alors ? Rien, ou plus probablement rien de ce qui s’apparente aujourd’hui au livre, dans lequel on s’immerge longuement, patiemment et tranquillement, en dehors de la société des flux incessants et tourbillonnants d’e-mail, messages msn et autres textos qui nous happent à chaque instant dans leur propre temporalité.


La télévision a contribué à détruire le lien social, et on nous fait croire que l’informatique, en nous simplifiant la vie, va le recréer ? Quand on s’apercevra que le numérique a encore appauvri les relations et échanges collectifs, qu’inventera-t-on pour « recréer » à nouveau du lien social et poursuivre toujours plus loin la spirale d’un monde en perpétuelle déshumanisation."

 

Article également disponible sur le site " Les Carnets de la Phonothèque"

 

 

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                                     " ....... Et moi aussi, avec cet automate ! "

 

 

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