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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 08:11

 

Question(s) sociales(s) - Le Monde : le 6 avril 2012

 

Nicolas Sarkozy réinvente une CGT en pleine ébullition

 

Poursuivant sans relâche son offensive contre les corps intermédiaires et les syndicats, Nicolas Sarkozy a commis une belle bourde vendredi 6 avril au matin sur RTL. "Les liens entre la CGT et le Parti communiste sont bien connus, c'est son droit, mais il faut qu'ils assument", a déclaré le président-candidat, en ajoutant que Bernard Thibault "est membre du bureau politique du Parti communiste, comme chacun le sait". Mais voilà pour qui a un minimum de culture syndicale, Bernard Thibault, s'il est membre du PCF, est, depuis 1947,  le premier secrétaire général de la CGT à ne pas appartenir à son bureau politique - instance qui, comme l'a rappelé au passage le dirigeant communiste Pierre Laurent, "n'existe plus depuis plus de 15 ans", ayant été remplacée par un bureau national -, et deux ans aprés son élection à la tête de la CGT, il a quitté, en 2001, le comité national auquel il appartenait. Cet affrontement survient au moment où la CGT est en pleine ébullition sur  la succession de M. Thibault, ce dernier risquant de se trouver en opposition avec l'appareil de sa centrale.

                           

En 2007 déjà, alors candidat à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy avait qualifié la CGT de "syndicat communiste". Une fois élu, son conseiller social, Raymond Soubie, qui pratiquait depuis plus de trente ans les organisations syndicales, avait dû lui dispenser une formation accélérée au syndicalisme. Il lui avait aussi appris à passer des "deals" avec la CGT, comme par exemple sur la réforme des régimes spéciaux de retraite, et M. Sarkozy s'était appliqué, jusqu'à l'été 2008, à rechercher la meilleure relation possible avec M. Thibault, guettant toutes les occasions de le cajoler quitte à planter des banderilles sur le dos du patronat. En 2010, la réforme des retraites a consacré le divorce entre le président et les syndicats, et notamment la CGT.

 

                                    sarko 3

                                                           " Bon, toi mon coco ...... "

 

Il est vrai que pendant longtemps la CGT a entretenu une relation trés étroite avec le Parti communiste, allant même jusqu'à faire du Programme commun de gouvernement de 1972 - signé par le PCF avec le Parti socialiste - son programme revendicatif. Malgré l'adoption de la Charte d'Amiens (1906), qui proclamait, un an aprés la création du Parti socialiste SFIO, l'indépendance du syndicalisme, la CGT a toujours été parcourue de débats animés entre révolutionnaires et réformistes. Au lendemain de la Révolution de 1917, l'avénement du communisme en Russie provoqua des fractures entre les partisans de la "courroie de transmission" - inventée par Lénine qui voyait dans le syndicat un simple instrument du Parti communiste - et les tenants de l'indépendance syndicale. Ce clivage a même été à l'origine des trois scissions que la CGT a connues dans son histoire: en 1921, en 1939 et en 1947.

 

C'est ainsi que depuis 1947, tous les prédécesseurs de Bernard Thibault - Benoît Frachon, Georges Séguy, Henri Krasucki, Louis Viannet - ont appartenu au bureau politique du PCF. Nul ne pouvait espérer devenir secrétaire général de la CGT s'il ne passait pas d'abord par cette instance. Le Parti communiste imposait sa loi à la CGT. Le changement est intervenu en décembre 1996, quand Louis Viannet annonça, en plein congrès du PCF, sa décision de quitter le bureau politique (devenu bureau national) du parti. Il avait fait ce geste fort pour faciliter l'adhésion de la centrale à la Confédération européenne des syndicats. Elu secrétaire général en 1999, M. Thibault n'a jamais rejoint la direction du parti. En 2001, il est allé plus loin, lors d'une rencontre avec Robert Hue et la direction du PCF, en décrétant la fin de toute conception visant à faire du syndicat la courroie de transmission du parti. Le PCF était déjà en plein déclin et la perte de ses deux piliers - le syndicat et son emprise dans les banlieues, comme "la ceinture rouge de Paris" - n'a fait que l'accentuer.

 

 

                                    sarko 1[1] 

                              " Mon cher Bernard, je crois que le président voit du rouge partout ! "

 

 

Bernard Thibault a réagi vivement, vendredi, en accusant Nicolas Sarkozy d'"utiliser le mensonge pour tenter de décrédibiliser la CGT". Et il rappelle, dans un communiqué, que "cela fait plus de dix ans que je ne siége plus dans une instance de direction d'un parti politique". Le président candidat a aussi laissé entendre que la prise de position de M. Thibault, qui s'est engagé à fond en faveur de sa non-réélection, n'était pas partagée par les militants de la CGT: "Je ne pense pas que je sois combattu par la CGT, je suis combattu par quelques permanents de la CGT mais je pense qu'il y a tout un tas de gens qui sont adhérents de la CGT qui considérent que le rôle d'un syndicat c'est de défendre les salariés, pas de participer à la vie politique française". Réplique de M. Thibault : "La seule citation de son nom provoque des réactions hostiles dans diverses manifestations publiques et pas seulement dans les meetings de la CGT". Selon un sondage de l'Ifop réalisé en février auprès des sympathisants syndicaux, M. Sarkozy recueille les intentions de vote de 4% des sympathisants cégétistes (contre 11% en 2007).

 

Cette passe d'armes intervient au moment où la CGT est traversée de vives tensions au sujet de la succession de M. Thibault qui doit passer la main en mars 2013. Le secrétaire général a consulté les fédérations et les unions départementales de la CGT et il doit, le 17 avril, faire part à la commission exécutive de la centrale de sa proposition, celle-ci devant ensuite être entérinée par le comité confédéral national (CCN) - le parlement de la CGT - le 30 mai. M. Thibault a toujours souhaité que son successeur soit une femme appartenant au secteur privé. Il avait d'abord pensé à Nadine Prigent, qui vient de la santé, avant de constater que ce choix n'avait aucune chance de passer. Les fédérations et les unions départementales - qui constituent le CCN - se sont ralliées en majorité à Eric Aubin, 48 ans, secrétaire général de la fédération de la construction, le "Monsieur retraites" de la centrale. M. Aubin est sur la même ligne réformatrice que M. Thibault. Mais ce dernier semble tenir fermement à l'idée qu'une femme lui succède et avance le nom d'Agnès Naton, 53 ans, retraitée de La Poste, directrice de l'hebdomadaire confédéral, la Nouvelle Vie ouvrière, mais il se heurte à son appareil.  M. Thibault prendra-t-il le risque d'être mis en minorité par son parlement, comme il l'avait été, en 2005, sur le référendum européen? Sur fond de campagne présidentielle, un autre bras de fer est en cours.

 

Pour lire l'article de Question(s) Sociales(s) - Le Monde  

 

                                                        le monde 1[1]

 

 

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