Le Parisien : Lundi 11 Octobre 2010
Le travail du dimanche : à chacun sa prime
Caissières, bibliothécaires, gardiens de gymnase ou bien de musée ...Ils travaillent tous le dimanche. Mais leurs compensations salariales sont inégales. Les bibliothécaires poursuivent leur grève entamée à la rentrée.
Les Parisiens sont de plus en plus nombreux à travailler le dimanche. Dans le privé, comme dans le public.
Votée en 2009, la loi sur le travail dominical autorise les magasins des sept grandes zones dites touristiques (butte Montmartre, rue des Francs- Bourgeois, Champs-Élysées, Rivoli, Arcole, pont des Arts et boulevard Saint-Germain) à ouvrir le dimanche (sans pour autant payer double leurs salariés). Et il suffit de se promener sur les Champs ou dans le Marais en fin de semaine pour voir que les commerces ne s'en privent pas! De même, bon nombre de grandes surfaces sont autorisées à ouvrir le dimanche matin.
De son côté, la mairie essaye aussi d'offrir de nouveaux services aux Parisiens en repos. Trois des 59 bibliothèques, François- Truffaut (1er), Marguerite-Yourcenar (XVe), et Marguerite-Duras (XXe) sont normalement ouvertes en fin de semaine. « Sur les 50000 agents de la Ville de Paris, 8500 travaillent régulièrement le dimanche », explique Maïté Errecart, adjointe au maire de Paris chargée des ressources humaines. Et d'ajouter : « Nous reconnaissons la spécificité du travail du dimanche. Et nous essayons d'offrir une rémunération double à nos agents ces jours-là. »
Problème depuis quelques semaines, des salariés de la mairie réclament une revalorisation de leur prime du dimanche. Ainsi, les bibliothécaires concernés sont en grève depuis la rentrée. Fixée aujourd'hui à 75 € net, ils souhaitent voir leur prime passer à 100 € net par dimanche travaillé. Leurs revendications font des émules.
Selon nos informations, les gardiens du musée Carnavalet ont déposé un préavis de grève pour samedi prochain. « Ils vont profiter des premiers jours de l'exposition Louis Vuitton pour réclamer, eux aussi, le passage de leur prime à 100 € », souligne Bertrand Pieri, du syndicat Supap-FSU. Car, le mode de rémunération des gardiens de musée est pour le moins original. Leur prime tourne autour des 91 € pour les dix premiers dimanches travaillés. Elle tombe à 43 € du Il e au 18e dimanche et remonte à 50 € pour les suivants! « Lorsqu'ils sont à 40 €, les gardiens de musée ne sont pas payés double », constate Bertrand Pieri.
Pourquoi cette poussée revendicative arrive-t-elle maintenant? « C'est le contexte qui joue, commente Bertrand Pieri. Le maire de Paris a d'abord demandé aux entreprises de mieux rémunérer leurs salariés le dimanche, sans en faire autant avec ses agents. Et puis, il y a eu divers événements comme les révélations sur les hauts salaires de nos directeurs ... » Les' conflits risquent de se multiplier dans les semaines à venir. Car les syndicalistes ont de grandes ambitions. « A terme, l'idéal serait que tout le monde touche la même prime. Avec un alignement par le haut, bien sûr », suggère le représentant syndical. « Il faut une juste rémunération », tempère Maïté Errecart, l'adjointe au maire. En clair, pas question d'offrir la même chose à tout le monde.
Un simple bonus de 43 € à 75 € Agent d'accueil et de surveillance au Petit Palais (VIlle), Latifa Hammami travaille un dimanche sur deux. Le musée étant fermé le lundi, elle prend un jour de récupération le mardi. « Travailler le dimanche est un sacrifice pour ma vie de famille. Et encore, mes trois garçons sont grands. Mais pensez à mes colIègues qui ont des enfants en bas âge », explique-t -elIe.
Après quinze ans d'ancienneté, cette Parisienne du XIXe arrondissement gagne environ 1300 € net par mois, prime du dimanche inclus. « Le problème, souligne-t-elle, c'est que cette prime est de 75 € les dix premiers dimanches de l'année.
Ensuite, elIe tombe à 43 €! Comme si un dimanche de septembre n'avait pas la même valeur qu'un dimanche de janvier! » Au musée Carnavalet, les surveillants seront en grève samedi pour réclamer une prime de 100 € par dimanche tout au long de l'année. « Nous sommes à fond avec eux », déclare Latifa, qui n'exclut pas que le mouvement s'étende au Petit Palais.
« Nous sommes payés 44 € de plus» Jean-Louis Aliaga n'apprécie pas forcément de travailler le dimanche.
Cet employé de la Ville de Paris instaIle les équipements (agrès, etc.) pour les clubs qui fréquentent le gymnase de la cour des Lions (XIe).
En semaine, je travaille souvent le soir, en horaires décalés. Le week-end, c'est l'occasion de passer du temps avec la familIe, de voir mes trois enfants », explique-t-iI. Du coup, la « vie de famille souffre» de son dimanche travaillé par mois.
Malgré tout, il savait où il mettait les pieds : « Lorsque je suis entré à la Ville de Paris, les choses étaient claires. On nous a dit qu'il faudrait travailler le soir et certains week-ends.
» Certes, mais le sacrifice de la famille, un dimanche par mois, vaut-il le petit plus sur la fiche de paye? « Nous sommes payés 44 € de plus par dimanche travaillé. Ce n'est franchement pas lourd. Les gens qui travaillent dans le privé sont mieux
Il réclame une réévaluation à 100 €. Bibliothécaire de la Ville de Paris depuis un an et demi, Jean-Claude Peralba, ancien professeur de français, a observé hier son deuxième dimanche de grève. « Nous demandons une réévaluation à 100 € de notre prime du dimanche, qui est actuellement de 75 € », témoigne cet homme de 52 ans, qui est de permanence un dimanche sur cinq (de 12 h 45 à 18 h 15) à la bibliothèque Marguerite-Yourcenar (XVe). « Quand on travaille le dimanche, la vie de famille en prend un coup », observe ce quinquagénaire, divorcé et père d'une fille de 6 ans. « En plus, ce jour-là, nous sommes en flux tendus, car nous avons beaucoup de monde, des familles, des gens qui viennent pour la première fois. C'est plus fatigant », constate Jean-Claude, qui gagne 1400 € net par mois. Et de conclure: « J'aime mon métier, mais il m'est arrivé de renoncer à aller voir mes parents dans le Lot-et- Garonne, le week-end, à cause de mon travail. »