Le personnel de la bibliothèque de la Goutte-d’Or (Paris XVIIIe) a décidé de faire jouer son droit de retrait, en raison de l’insécurité subie au quotidien. Il demande que des solutions pérennes soient trouvées
Le 17 novembre dernier, la bibliothèque de la Goutte d'Or a fermé ses portes. Pas en raison de la crise du Covid... Mais parce que le personnel a fait jouer son droit de retrait. Des agressions à répétition, un groupe d'une quarantaine de dealers à leurs portes, et un carreau cassé qui a mis le feu aux poudres. C'est en raison de cette « menace permanente », disent les salariés, qu'ils ont décidé de mettre en veilleuse le lieu de culture du quartier, qui poursuivait ses activités pendant le confinement avec un service de click and collect.
« Il y a des dizaines de dealers, peut-être quarante, qui nous guettent. C'est une horreur.Comment faire ? » relatent la vingtaine de salariés de la bibliothèque de la Goutte-d'Or. « Quotidiennement, nous sommes témoins d'actes de violence », écrivent-ils dans une lettre ouverte adressée à la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, et au maire (PS) du XVIIIe arrondissement, Eric Lejoindre. Bagarres, coups de couteau, vols à l'arraché, pétard dans la bibliothèque, dégradations de l'espace public (détritus disséminés tout autour du site), bruits incessants, jusqu'à cette balle perdue logée dans le montant de la vitrine...« En juillet 2020, rappellent les salariés, un homme est mort de ses blessures à l'entrée de la bibliothèque. Le 17 novembre, nous découvrons à notre arrivée sur notre lieu de travail que les vitres de la façade de notre bâtiment ont été fracassées pendant le week-end ».
En conséquence, annoncent les salariés, « il n'y aura pas de reprise du travail tant que des solutions pérennes et réelles ne seront pas mises en œuvre ». « Parce que nous nous sentons en perpétuelle insécurité physique et psychologique, parce que nous ne pouvons accueillir nos usagers dans ces conditions, parce que les voies hiérarchiques que nous avons scrupuleusement respectées jusqu'ici ont été inopérantes ». « On a vu l'environnement changer complètement, signale un riverain. Le quartier, qui était plutôt sympa il y a quelques années, est devenu pénible,dangereux, difficile à vivre ». « J'ai vu une cliente de la bibliothèque, mère de famille, se faire injurier, poursuit un autre. Elle sortait avec des livres, et des jeunes l'ont prise à partie. Elle a essayé de résister, mais c'est mort d'avance, avec eux ! »
Face à cette situation dramatique, la Ville se veut rassurante : en attendant la création effective de la police municipale, les services de sécurité sont bien présents, et les rondes de police nationale sont effectuées. « Moi, je pense que nous sommes dans un abandon total du quartier, souligne Rudolph Granier, conseiller LR de Paris et élu dans le XVIIIe arrondissement. C'est tout simplement un territoire abandonné de la République. La situation est très grave ». « On a vraiment franchi un cap, soutient un habitant du quartier. Non seulement on n'arrive plus à sortir de chez nous, tellement l'insécurité est présente à tous les instants, mais en plus, on ne peut même plus avoir accès aux biens culturels ».
La CGT, qui s'est emparée de la situation des bibliothécaires de la Goutte-d'Or réaffirme, de son côté, que « l'administration, via la Direction des affaires culturelles (DAC) de la Ville de Paris, a été alertée à de multiples reprises de cette situation gravissime qui dure depuis des mois mais sans aucune réponse jusque-là ». « La balle est donc désormais dans le camp de l'équipe municipale ». La Ville, de son côté, affirme au contraire avoir renforcé les moyens dont elle a la compétence : présence accrue de médiateurs et d'agents de prévention, mais elle renvoie l’État à ses compétences, en matière de lutte contre le trafic de drogue notamment.
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