Le Monde : Le 15 mai 2012
Vol du Musée d’Art Moderne : L'histoire folle d'un fric-frac.
Cinq chefs-d’œuvre signés Picasso, Matisse, Braque, Modigliani et Léger avaient été volés au Musée d'art moderne de la Ville de Paris dans la nuit du 19 au 20 mai 2010. Les policiers ont reconstitué l'incroyable scénario, identifié les failles de la sécurité et interpellé le cambrioleur présumé et ses complices. Mais aucune trace des tableaux. Estimés au total à près de 100 millions d'euros, ceux-ci ont-ils été revendus et dissimulés? Ou bien glissés dans des sacs poubelle puis jetés dans une benne à ordures, comme l'affirme l'un des voleurs présumés? L'enquête de Nathaniel Herzberg sur les zones d'ombre de ce cambriolage.
A la recherche du butin perdu. Cinq chefs-d’œuvre signés Picasso, Matisse, Braque, Modigliani et Léger ont été volés au Musée d'art moderne de la Ville de Paris en 2010. Si la police a retrouvé le voleur et ses complices, elle n'a toujours pas mis la main sur les tableaux. Récit en six actes d'une affaire rocambolesque Un mystère. Un incroyable mystère, qui menace de virer au cauchemar.
Deux ans après le spectaculaire vol du Musée d'art moderne de la Ville de Paris et la disparition, dans la nuit du 19 au 20 mai 2010, de cinq chefs-d’œuvre signés Picasso, Matisse, Braque, Modigliani et Léger, évalués à près de 100 millions d'euros, l'enquête ne cesse de progresser. .. sans jamais sembler se rapprocher du but. Les policiers de la brigade de répression du banditisme (BRB) et le juge chargé du dossier au tribunal de grande instance de Paris, Patrick Gachon, ont accompli un travail considérable. Ils ont reconstitué le déroulement des faits, mis en évidence les carences du dispositif et des équipes de sécurité, qui ont transformé le vol d'un unique tableau en la plus grande razzia d'œuvres d'art en France du dernier quart de siècle. Ils ont même interpellé, en septembre 2011, le cambrioleur et deux complices, mis en examen pour " vol en bande organisée "et incarcérés.
Pourtant, les tableaux restent introuvables. Ont-ils été écoulés sur le marché parallèle, transportés à l'étranger ou dissimulés en lieu sûr en attendant des temps plus cléments, hypothèses privilégiées par les enquêteurs? Ou pire, sont-ils passés sous le nez des policiers lors d'une perquisition avant de finir dans une benne à ordures, jetés par un receleur "pris de panique ", comme l'affirme aujourd'hui l'intéressé? Retour sur un dossier hors du commun.
Modigliani: La femme à l'éventail
La préparation. A écouter Vréjan Tomic, c'est fin avril 2010 que lui est " passée la commande " du vol d'un tableau de Fernand Léger. Intitulée Les Disques, l'œuvre se trouve dans la salle 2 du Musée d'art moderne de la Ville de Paris. A 42 ans, l'homme au crâne dégarni et à la carrure d'athlète est un habitué des cambriolages difficiles exécutés en solo. Onze fois condamné, il n'a pas hésité, par exemple, en 2000, à escalader les sept étages· d'un immeuble des beaux quartiers parisiens, à en redescendre deux en rappel, puis à démonter une fenêtre, pour dérober bijoux et objets de valeur. Il opère donc ses premiers repérages.
Pas compliqués, d'ailleurs : il entre dans l'établissement avec tous les visiteurs, par l'avenue du Président-Wilson. Il repère le tableau, au niveau - 2. La présence de détecteurs anti-intrusion, aussi. " Mais j'ai rapidement calculé que j'avais certainement le temps de prendre le tableau en passant par le côté de l'esplanade, avenue de New York, racontera-t-il aux policiers.
Même si les vigiles intervenaient, j'avais le temps de le prendre, de le déposer et de partir en courant. Je cours très vite en sprint, ils n'auraient pas pu me rattraper." Fort de ce constat, et après avoir examiné la fenêtre de l'extérieur de l'esplanade, Vréjan Tomic part faire des courses. Un pot d'acide décapant, une petite perceuse à piles, deux ventouses pour tenir les vitres, une pince coupante, une poignée pour ouvrir les grillages, une bonbonne de Teflon en spray, sans oublier un escabeau pliable et un tournevis en forme de pied-de-biche pour retirer les clous: il en a "presque pour 200 euros " au Castorama de la place de Clichy.
Quelques jours plus tard, il retourne au musée. Mais là, surprise, le tableau a été retiré. A sa place, une autre toile du peintre français, Nature morte, chandeliers, heureusement " tout aussi jolie " , précise-t-il en connaisseur. Informé du changement, le commanditaire temporise quelques jours. Puis donne son accord. Vréjan Tomic poursuit donc l'opération. Plusieurs nuits de suite, il retourne sur l'esplanade " préparer " sa fenêtre. D'abord décaper les vis, en laissant le produit faire son effet. Puis, le lendemain, brosser les montants au papier de verre pour retirer les résidus de peinture. Enfin, le dernier jour, il racontera aux policiers avoir retiré puis remis, une à une, les vingt vis qui soutiennent la croisée. Lors de l'enquête, un témoin, adepte de roller skate nocturne, reconnaîtra en Vréjan Tomic l'homme qu'il avait vu traîner sur l'esplanade la veille du vol.
Matisse: La pastorale
L'exécution. Ainsi préparé, il faut au cambrioleur " trente à quarante minutes " , le 20 mai, un peu après 2 heures du matin, pour démonter complètement le cadre de la fenêtre, faire basculer la vitre, se débarrasser de la chaîne qui ferme la grille, ouvrir celle-ci et entrer dans l'établissement. " Sans oublier de fermer le· grillage en accordéon pour tromper une éventuelle ronde extérieure ", précisera-t-il. Il porte " bien évidemment " des gants, mais aussi un sweat Lacoste beige à capuche et un foulard sur le visage. Vréjan a en effet repéré les caméras et prévu qu'il serait filmé.
Ce qu'il n'a pas anticipé, en revanche, c'est l'absence de dispositif d'alarme. Ni antichoc sur la fenêtre, ni anti-intrusion dans la salle, ni antidécrochage sur le tableau de Fernand Léger, dont il se saisit sans difficulté, avant de le poser sur le balcon. " Vu qu'aucune alarme ne se déclenchait, je me suis dit qu'il fallait que j'en profite. " Il passe donc dans la salle 1 et se sert, en amateur. Il décroche La Pastorale , d'Henri Matisse, qu'il a trouvé particulièrement " beau " lors de sa précédente visite et qui lui rappelle " les flûtes " qu'enfant il sculptait avec son oncle, en Croatie. Puis L'Olivier près de l'Estaque, un petit tableau de Georges Braque, dont il aime le côté " nature ". Et enfin le célèbre Pigeon aux petits pois, de Pablo Picasso, exceptionnelle nature morte elliptique agrémentée de quelques touches de fantaisie, dont il a " de suite aimé le cubisme ", expliquera-t-il aux enquêteurs. Les trois œuvres rejoignent le Léger, à l'extérieur.
Le cambrioleur ne s'en tient pas là. Son commanditaire a mentionné dans sa première demande "un Modigliani ". " J'avais jugé que c'était trop difficile et trop risqué par rapport à l'alarme. " La salle 8 est à l'autre bout de l'étage, en effet, et il faut passer un grillage. Mais nouvelle bonne surprise, le cadenas de la chaîne n'est pas fermé. Deux minutes, le temps de choisir " le tableau de Modigliani que je trouvais le plus beau ", et Femme à l'éventail rejoint les autres sur le balcon. " Ensuite, j'ai retourné les tableaux, j'ai découpé les vis qui séparent les cadres des châssis parce que je devais les porter à ma voiture. Je voulais qu'ils soient plus légers. Je ne voulais pas les enlever des châssis pour éviter de les détériorer. " Vréjan Tomic transporte alors les tableaux jusqu'à la Renault Espace garée au niveau des quais. Deux voyages, les deux grands (Léger et Modigliani), puis les trois petits. Il pose le tout verticalement, dans le coffre. " J'ai réfléchi pour savoir s'il fallait que j'y retol1rne, mais je n'ai pas voulu prendre de risques inutiles. " Il est 4 h 30, le vol du Musée d'art moderne est terminé.
Picasso: Le pigeon aux petits pois
La sécurité. Beaucoup a été déjà écrit sur le dispositif de sécurité dans le musée. L'alarme sur la fenêtre ? Elle protégeait contre le bris de la vitre, pas contre son démontage. L'alarme volumétrique ? Son signal sonore était défectueux. L'écran spécial, installé dans le PC sécurité, censé transmettre automatiquement les images des salles où un intrus était repéré ? Il était hors service. Un défaut matériel rendu possible par des négligences humaines, comme l'attestent les nombreux interrogatoires réalisés par les policiers après le vol. Ainsi l'alarme ne s'est-elle pas tue seule et soudainement. Elle a été coupée par un des gardiens, exaspéré de l'entendre sonner sans raison lors des rondes nocturnes.
Depuis fin 2009, les surveillants se plaignaient d'ailleurs de ses déclenchements intempestifs. Le 29 mars, soit deux mois avant le vol, le gardien interrompt la sonnerie depuis l'ordinateur central. Au passage, tout le système d'alarme se retrouve désactivé. L'information est mentionnée sur la main courante. " Système anti-intrusion totalement HS. "La société SPIE, chargée de l'entretien, est alertée deux jours plus tard. Et envoie un devis. Il restera sans réponse. Les enquêteurs ont envisagé des complicités internes.
Mais les déclarations de Vréjan Tomic et surtout les investigations de ces derniers les ont conduits à écarter cette piste au profit de la négligence. Après le vol, la Ville de Paris a commandé un audit de la sécurité de tous les musées municipaux. Le document est resté confidentiel. Officiellement, parce qu'il a été transmis à la justice. Il n'a pourtant pas été joint à la procédure. Un plan de " rattrapage" a été lancé. Il devrait être achevé en 2013.
Braque: L'olivier près de l'Estaque
Le parcours des tableaux. Dès le 20 mai, les cinq toiles changent de main. Au 4e sous-sol d'un parking souterrain du 12e arrondissement, Vréjan Tomic les remet à Jean-Michel Corvez. Ancien patron de société informatique, reconverti dans le commerce d'antiquités et d'or, âgé de 55 ans et portant beau, il tient boutique près de la gare de Lyon. " Mon seul receleur ", assure Vréjan Tomic, qui, entre bijoux et objets d'art négociés par les deux hommes, mentionne une toile de Bernard Buffet et un bronze de Camille Claudel.
" Faux ", jure Jean-Michel Corvez. Tous deux sont en tout cas conjointement poursuivis pour deux autres cambriolages. Et conviennent que, ce matin-là, vers Il heures, les tableaux passent du coffre de l'Espace vers celui d'une Porsche Cayenne. Au passage, le Léger et le Picasso sont légèrement abîmés par l'antiquaire, au grand dam du monte-en-l'air: " Pour un mec qui se trouve dans la partie, j'ai eu les boules qu'il ne respecte pas plus les œuvres. ".
Aux dires de Jean-Michel Corvez, ce ne sont toutefois pas les éraflures sur la couche picturale, mais le retentissement du vol qui fait capoter son projet. Lui assure disposer alors d'un " commanditaire ", dont il refusera toujours de donner le nom, affirmant " craindre pour - sa - sécurité ". Le mystérieux acheteur, installé " dans les Emirats ", lui aurait d'ailleurs quelque temps plus tôt, dressé une liste d'une vingtaine de peintres dont les œuvres l'intéresseraient. Mais devant " la surmédiatisation ", l'homme se ravise. Et ce n'est plus une ni deux, mais bien cinq toiles que Jean-Michel Corvez doit à présent négocier.
Devant les policiers puis le juge, il multipliera les versions pour finalement s'arrêter sur un scénario qui semble avoir convaincu les enquêteurs. Jean-Michel Corvez verse à Vréjan Tomic 40 000 euros pour le Léger. Les autres toiles, il les conserve " en dépôt ", derrière une cloison de son bureau. Au cambrioleur, il jure se démener pour trouver un acheteur, parle de pistes à l'étranger. En réalité, "je ne savais vraiment pas quoi en faire ", dira-t-il.
" Chaque jour, je prenais conscience que j'avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je savais que ces toiles étaient invendables, je ne voyais pas comment m'en débarrasser. " A le croire, c'est son client et ami Yonathan Birn qui se propose de lui rendre service. Expert et réparateur de montres de prestige, âgé de 33 ans et père de deux enfants, client devenu confident de Jean-Michel Corvez, il affirmera, de son côté, avoir fini par céder aux prières répétées de l'antiquaire. Toujours est-il qu'à l'hiver 2010, un samedi de neige, les tableaux les plus recherchés de France quittent un magasin du 12e pour un atelier du 3e arrondissement
.
Emballés dans des sacs-poubelles, ils sont glissés derrière une grosse armoire métallique, auparavant vidée pour être déplacée, où quatre d'entre eux passeront plusieurs mois.
Le cinquième, le portrait de Modigliani, Yonathan Birn affirme l'avoir " acheté ", d'abord "fasciné à l'idée d'avoir une toile de maître " , puis " envoûté " par sa beauté. Il précise avoir payé 80 000 euros et dresse une liste de chèques provenant de ses parents ou de divers clients à qui il aurait réclamé de laisser le bénéficiaire en blanc, selon une pratique habituelle dans son métier.
Jean-Michel Corvez reconnaît avoir touché ces chèques, mais en échange de bijoux ou d'argent liquide : " Il ne souhaitait pas que ces chèques apparaissent dans sa comptabilité pour des raisons fiscales. "Il nie, en revanche, toute transaction sur le Modigliani. Yonathan Birn se rend, en tout cas, à sa banque, où il dispose déjà d'un petit coffre. Il souhaite en louer un second, plus grand. Comme il proteste devant le prix élevé de l'opération, le responsable de la salle, qui le connaît bien, offre d'en mettre gratuitement un à sa disposition pour " trois mois maximum ". Une transaction " officieuse " qui vaut aujourd'hui à l'employé une mise en examen pour " recel ".
Léger: Nature morte, chandeliers
Panique et destruction? Le 11 mai 2011, Jean-Michel Corvez est interpellé par la BRB. Pas dans l'affaire du Musée d'art moderne, mais pour un cambriolage commis chez un particulier, dans le 16e arrondissement, deux ans auparavant. Dans sa boutique, les policiers retrouvent une pendulette et deux des sept tableaux volés cette nuit-là. Il admet sans trop de difficultés avoir reçu ces objets de Vréjan Tomic et connaître leur provenance illicite. Le cambrioleur est lui aussi arrêté.
A son domicile et dans sa voiture, les enquêteurs retrouvent du matériel d'escalade, des outils, mais aussi des tableaux et des bons au porteur volés la nuit précédente dans un autre appartement, avenue Montaigne, dans le 8e arrondissement. Tous deux sont mis en examen et incarcérés. Yonathan Birn est lui aussi interpellé.
Contre lui, les policiers disposent essentiellement d'une écoute téléphonique. Jean-Michel Corvez y évoque explicitement un des objets voles lors du cambriolage de mai 2009. Tous deux parlent aussi de " Jo ", surnom professionnel de Vréjan Tomic, et de son manque de " travail ". Mais hormis cet enregistrement, aucun élément matériel ni témoignage n'implique le réparateur de montres dans des actes délictueux.
Après sa garde à vue, le 12 mai, il est libéré. " Tout d'un coup, je suis face à la réalité, la vraie, et je me rends compte que je me suis mis dans une situation terrible, que je suis dans une histoire de fous. (..) Je suis complètement pris de panique. " Au juge Gachon, qui l'a interrogé le 27 janvier 2012, il décrit quatre jours d'angoisse avant sa décision " monstrueuse ", " la seule solution que j'ai trouvée " : les jeter dans la benne à ordures.
A l'écouter, c'est dans un état d'agitation extrême qu'après avoir accompagné ses filles à l'école, le 16 ou le 17 mai, Yonathan Birn se rend dans son atelier, déplace l'armoire métallique et se saisit des sacs poubelles contenant les quatre toiles. La plus grande, la nature morte de Fernand Léger, il la piétine, pour en casser le châssis. Sans ouvrir les sacs plastiques, il prend le tout et le jette dans la benne verte de la cour de son immeuble.
" J'étais complètement paranoïaque ( ..), je pensais que j'étais suivi par la police, que je ne pouvais pas sortir de mon immeuble avec les toiles. " Il le quitte pourtant pour aller à la banque, dit-il. Là, il ouvre son coffre, démonte le châssis du Modigliani, jette les morceaux de bois dans la poubelle de la salle des coffres, plie la toile et la place dans son attaché-case. De retour à l'atelier, Yonathan Birn jette le portrait peint par Modigliani, cette femme au regard doux qui avait tant touché l'artisan, dans la benne de l'immeuble du 3, rue Portefoin où se trouvent les quatre autres chefs-d’œuvre.
A cet instant du récit, dans le bureau du juge d'instruction, Yonathan Birn pleure. Au point que le magistrat estime nécessaire de le mentionner dans le procès-verbal. Et l'intéressé de s'expliquer. "Je ne pleure pas pour moi, je pleure parce que c'est monstrueux d'avoir fait ça. Je suis cinglé. " , . Doutes et embarras policiers Dans son récit, Yonathan Birn met lourdement en cause les policiers.
Pour expliquer sa " panique ", il assure avoir reçu, après sa garde à vue, un appel téléphonique du commandant de la BRB qui l'avait interrogé. Celui-ci souhaitait le réentendre et l'avertissait : " Tu t'es bien foutu de moi, il faut que je te parle. " Un appel confirmé par l'officier, qui explique avoir souhaité revoir certains éléments du dossier avec lui " de manière moins formelle ". Il nie en revanche toute " pression " et exclut avoir prononcé la phrase qui lui est attribuée. Yonathan Birn, lui, n'en démord pas: c'est là qu'il a " perdu tout discernement ". D'autant, et c'est la vraie bombe lâchée par le mis-en-examen, que lors de son interpellation, le 11 mai 2011, les policiers ont perquisitionné dans son atelier. A l'écouter, ils n'ont pas poussé le meuble et n'ont donc pas trouvé les toiles.
" Impensable ", dit le commandant de la BRB incriminé. " Impossible, confirme au Monde, un haut responsable policier qui connaît bien l'enquête. Quand on cherche des tableaux, et c'était déjà le cas dans cette première affaire, on regarde derrière les armoires. " Pour les enquêteurs, l'absence des tableaux lors de cette perquisition établit, au contraire, le caractère mensonger des propos de Yonathan Birn et nourrit leur conviction qu'il les avait déjà mis à l'abri.
Une conviction longtemps partagée par Jean-Michel Corvez, qui estimait son complice " trop malin pour ça ", avant d'affirmer récemment, lors d'une confrontation, qu'il ne savait " plus quoi penser " ; ou encore par cet ami, interrogé par les policiers, pour qui " Yoni est trop intelligent, il connaissait la valeur et la nature de ce qu'il avait entre les mains ". Plus important, pour les policiers, le chargé des coffres du Crédit du Nord assure que Yonathan Birn, contrairement à ce qu'il a indiqué, avait vidé son armoire forte bien avant le mois de juin 2011 Sauf que, faute de bordereau, il ne peut rien prouver. Pas de preuves ni même d'indices : là réside le drame des enquêteurs.
Depuis les premières confessions de Vréjan Tomic, en juin, puis les auditions et les mises en examen de ses deux éomplices, en septembre - tous trois risquent dix ans de prison -, les policiers suivent toutes les pistes qui pourraient conforter leur hypothèse. Les comptes en banque de Yonathan Birn et Jean-Michel Corvez ont été épluchés, leurs téléphones et ordinateurs décortiqués.
Familles et amis ont été interrogés, des dizaines d'écoutes ont été délivrées, une quinzaine de perquisitions ont été opérées dans l'entourage de Yonathan Birn : en vain. La Grèce, les Etats-Unis ou Israël, ses destinations de vacances favorites, ont été envisagées comme refuges possibles. Ou encore les Balkans et les émirats du Golfe, sur la foi de tuyaux reçus. Des commissions rogatoires internationales ont été délivrées. Sans résultat.
Le service des ordures de la Ville de Paris, la société Derichebourg, qui opère le ramassage, a été entendue : ils ont jugé le scénario plausible, personne ne vérifiant le contenu des bennes vertes ... " Nous n'avons aucun élément matériel, aucun témoignage direct de quelqu'un qui aurait vu les toiles ailleurs, ou qui se les seraient vues proposées, regrette un responsable policier. Dans ces affaires, les tableaux peuvent réapparaître des années, parfois des dizaines d'années après leur disparition. Mais pour les enquêteurs, c'est évidemment très frustrant. "
L'enquête est loin d'être close. Les policiers, qui poursuivent leurs investigations, comptent sur une imprudence. Ou sur un de ces " renseignements " qui, au début de l'affaire, les avait déjà mis sur la piste de Vréjan Tomic. Les avocats, eux, font ce qu'ils peuvent. Défenseur de Vréjan Tomic, Me David-Olivier Kaminski forme déjà le vœu que son client soit jugé " pour ce qu'il a fait, pas pour la valeur des objets ni pour leur éventuelle destruction, il n’y est pour rien ".
Quant à Me Caroline Toby, avocate de Yonathan Birn, elle soupire : "Je suis peut-être la seule personne à Paris à croire qu'il a détruit les tableaux. Personne ne veut de cette version, car elle est trop horrible. Et trop irrationnelle. Mais tant qu'on restera rationnel, on ne comprendra pas ce dossier. " Elle s'interrompt un instant. " J'aimerais me tromper, croyez-moi. "
Lire l'article du " Monde"
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